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➤ Trouble dissociatif de l'identité : à quoi ressemble de vivre avec de multiples personnalités
Par Tracey Shelton - 01/07/2018
⬅ "Di", qui a subi enfant d"'horribles" châtiments sexuels, se sert de l'expression artistique pour explorer les différentes parties d'elle-même.
Vous est-il déjà arrivé de prendre la voiture pour une destination familière et de réaliser que vous n'avez aucun souvenir du trajet ? Pendant que vous vagabondiez en esprit, une autre partie de votre cerveau assurait le pilotage.
C'est ainsi que Ruth Tulloch décrit la dissociation, une expérience pour elle quotidienne. Sauf que Mme Tulloch peut nommer la partie d'elle qui a pris le contrôle.
Mme Tulloch souffre d'un trouble dissociatif d'identité (TDI), appelé aussi trouble de la personnalité multiple. Elle possède plus de 100 "parties", chacune avec son âge, ses capacités, ses goûts et ses caractères propres.Des études psychologiques et des récits de cette multiplicité ont vu le jour depuis des siècles et le TDI a été introduit dans le manuel officiel de psychiatrie dès 1980. Mais il reste encore controversé.
Dans presque tous les cas étudiés, on peut faire remonter la cause à un trauma extrême et continu durant l'enfance. Concernant Mme Tulloch, c'est quand elle avait trois ans que des voisins commencèrent à abuser d'elle sexuellement.Ruth Tulloch crée de magnifiques bijoux et des œuvres d'art pour des clients.
Le Dr Warwick Middleton (note MK-Polis : voir cette émission de radio avec Middleton), l'un des plus éminents experts psychiatres australiens en troubles dissociatifs, le décrit comme un "cloisonnement" ou un système complexe de défense que développe un esprit non mature pour gérer les maltraitances que leur ont infligé ceux dont ils dépendent pour leur survie.
Dans un livre qui fait autorité, Trauma et Guérison, Judith Herman dit que les seules armes de survie d'un enfant piégé dans un environnement de violence sont des "défenses psychologiques", qui obligent à développer d'"extraordinaires capacités, tant créatrices que destructrices".
"Un trauma répété à l'âge adulte érode la structure de la personnalité déjà formée", écrit-elle, "mais un trauma répété dans l'enfance forme et déforme la personnalité."
Di raconte son histoire avec l'espoir de sensibiliser les gens à ne pas ignorer les signes indiquant qu'un enfant pourrait subir de la maltraitance.
'J'ai appris à disparaître et à m'envoler par la fenêtre'
Pour se défendre psychologiquement, l'enfant souffrant de TDI verrouille les souvenirs traumatisants dans une autre partie de son esprit afin de ne pas réaliser ce qui lui arrive ou d'imaginer que cela arrive à quelqu'un d'autre, l'autorisant à se développer mentalement dans un environnement qui inhiberait ou empêcherait autrement son évolution psychologique.
Chez Mme Tulloch, poète talentueuse, les différentes "parties" d'elle-même présentent des écritures différentes.
Ce "quelqu'un d'autre" qui vit l'abus peut se fabriquer à la longue une identité.
Pour Di, qui ne souhaitait pas que son nom soit publié, les abus sexuels infligés par son grand-père et d'autres personnes étaient si extrêmes que se dissocier était son seul recours pour survivre."J'ai appris à sortir de mon corps et à m'envoler par la fenêtre," explique Di, âgée aujourd'hui de 66 ans, ajoutant que certains souvenirs ne sont que des fragments ou des aperçus, alors que d'autres ressemblent à quelque chose vu comme "à travers une caméra". (note MK-Polis : Lecture MK #3 - Traumatismes, dissociation et connexion aux autres dimensions)
Art et poèmes de Di, qui explore les différentes parties créées à diverses étapes de sa vie.
En apparence, les membres de sa famille étaient de fervents chrétiens baptistes, mais en coulisse ses souvenirs contiennent des abus rituels par des groupes d'adultes et d'horribles "châtiments" sexuels, principalement du fait de son grand-père, pour des crimes aussi mineurs que de "toucher les précieuses assiettes chinoises de ma grand-mère".
Les sévices entraînaient de nombreux problèmes médicaux qui semblent n'avoir jamais attiré l'attention des autorités médicales.
Di – qui est devenue par la suite infirmière, mère et aujourd'hui grand-mère – raconte son histoire dans l'espoir de sensibiliser les gens à ne pas ignorer les signes indiquant qu'un enfant peut subir des abus chez lui, même dans des familles donnant l'apparence de membres respectés de la communauté.
Di a intitulé cette peinture "Face à la tempête". Elle est devenue par la suite infirmière, mère et maintenant grand-mère.
Comme des éclats de verre
L'état peut être aussi varié que l'abus qui l'a causé.
Le nombre de "parties" ou d'"alters" peut aller de deux à plus de 100, comme chez Mme Tulloch, dont la personnalité de base est aux commandes la majeure partie du temps, alors que d'autres s'installent sur "la banquette arrière", sauf si un souvenir ou une situation les déclenchent.
Mme Tulloch explique que ce que nombre d'entre nous expérimentons en situation de pilotage automatique est comparable à la dissociation.
Mme Tulloch définit son identité éclatée comme un verre qu'on a fait tomber. Ce qui reste, ce sont "quelques gros morceaux et une foule de petits éclats".
Ses alters incluent des petits enfants, dont quelques-uns n'ont jamais appris à parler. Bien qu'ils ne viennent que rarement et seulement pendant de brèves périodes, elle garde une note dans son sac expliquant quoi faire au cas où un changement se déclenche dans un endroit gênant.
Elle a aussi un "secrétaire" qui garde des traces de tout le monde et la très "collet monté" Miss Pénélope.
"Je n'ai jamais été ivre au cours de ma vie, alors ne me demandez pas comment ni pourquoi, mais j'ai une partie ivrogne en moi", dit-elle en riant, racontant un incident quand elle raccompagnait un ami à la maison.
"Quelque chose en moi a réagi et je suis devenue tout à coup un homme ivre marmonnant 'allons au bar'."
Même si gérer autant de parties peut sembler si difficile, Mme Tulloch est pleine de talent et d'esprit. Elle écrit des poèmes, fait du théâtre et des spectacles d'humoriste et elle s'occupe de sa propre affaire, la création de bijoux uniques et magnifiques et d’œuvres d'art.
Di explique qu'elle a neuf parties créées à différents stades de sa vie – la première étant le jeune Gene, qui apparut quand son raisonnement d'enfant a conclu qu'"un garçon serait plus sûr".
Di décrit un autre de ses "quelqu'un d'autre", Fairy, comme aimant s'amuser, désinhibé et charmant.
"L'animal ressent toute peine, toute émotion, toute sensation, mais c'est aussi un protecteur", ajoute Di.
"Il viendra rugir si l'un des autres est menacé."
Elle a aussi Dizzy, qui s'est débrouillée pour réussir des études d'infirmière et Fairy, totalement désinhibé qui "me met parfois dans l'embarras", dit-elle en riant effrontément.
Hollywood versus réalité
Alors que le TDI est l'un des troubles psychologiques les moins bien compris, il est beaucoup plus courant qu'on ne pourrait le penser.
Le Dr Middleton, fondateur de l'institut psychologique de Brisbane, qui traite chaque année plusieurs dizaines de patients atteints de TDI, a déclaré qu'environ 1,1 % de la population globale vit avec un TDI.
Parlant des cas les plus extrêmes d'abus au quotidien, le Dr Middleton a dit, "Il est difficile de concevoir comment pouvoir survivre psychologiquement sans ce trouble."
Bien qu'Hollywood ait souvent souvent fait une mauvaise réputation au TDI, ceux qui en souffrent ne sont pas plus enclins à la violence que les autres.
Quand Sarah K. Reece, 35 ans, a reçu son premier diagnostic, elle a été terrifiée, autant d'elle-même que par les réactions des autres.
"Je n'avais jamais vu ou entendu parler de la multiplicité décrite de manière positive, comme si on était quelqu'un de normal ou comme une personne ayant une moralité, sûre et gentille," raconte-t-elle. "Ce ne sont pas les récits qu'on en a fait."
Les médias, les films et même les biographies contenant des expériences vécues dépeignent souvent une image sinistre du TDI. Elle n'en a lu aucune se terminant par un "exemple brillant d'une vie réussie", ajoute-t-elle.
"Que ce soit mon monde m'a bouleversée"
Le système de santé mentale a fait empirer ce ressenti. En lui disant qu'elle devait "intégrer" pour être "normale", elle a ressenti que c'était "tuer des parties" d'elle-même.
Sarah K. Reece : "si les gens qui vivent avec un TID pouvaient apprendre à accepter l'expérience, cela pourrait devenir un super-pouvoir."
Trouble ou super-pouvoirBien qu'ayant un besoin désespéré de parler à des gens qui comprendraient ce qu'elle traverse, il n'existait aucun groupe de soutien pour le TID, elle créa donc le sien.
Elle fonda the Dissociative Initiative, avec un site web rempli de ce qu'on sait sur les personnes aux personnalités multiples, leurs amis et leur famille, et une mise en place de groupes de soutien dans deux états et un groupe de discussion – le tout en tant que bénévole sans aucun support financier.
Elle pense que si vous pouvez accepter votre vécu, il peut devenir votre super-pouvoir.
"C'est comme d'avoir une équipe et ça dépend juste de ceux de votre équipe et de leur bonne progression," dit-elle. "Mais s'ils se soutiennent mutuellement, c'est puissant !"
Il lui a fallu des années pour finir par accepter son état, mais elle utilise aujourd'hui un système de coopération entre ses alters, qui alternent régulièrement quoique sans transition, en fonction de leurs forces et de leurs connaissances.
Mme Reece dit que cela l'aide à s'adapter instantanément à toute situation, à penser à de multiples niveaux simultanément et à enregistrer des informations sur divers sujets.(note MK-Polis : Lecture MK #6 - Traumatismes et facultés psychiques paranormales)
'Bien plus de bien que de mal'
Mme Reece, qui est également une artiste accomplie et organise régulièrement des expositions, fait aujourd'hui des conférences et des ateliers sur des sujets allant de "diversité et adversité" à des thèmes sur les LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels) et la santé sexuelle.
Elle s'est également impliquée dans un travail de développement de la communauté et elle est à la maison une compagne aimante, patiente et compréhensive et elle y élève ses deux filles.
Loin d'être le phénomène bizarre, menaçant et rare dépeint par Hollywood, le Dr Middleton dit que c'est "un privilège d'observer cette facette de l'humanité."
"Selon mon expérience, il y a bien plus de bon que de mal en eux," a-t-il déclaré lors d'une conférence sur le TDI à Sydney. "Et ce qui "cloche" ne provient pas de leurs actes."
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Commentaires
Merci. Il y a un certain nombre de super-héros Marvel qui ont un TDI, à commencer par HULK.
http://mk-polis2.eklablog.com/les-super-heros-et-le-trouble-dissociatif-de-l-identite-p1237218