Les Super Héros et le Trouble Dissociatif de l'Identité

La dissociation est un phénomène au cours du quel un état de conscience est vécu de façon indépendante. Elle n’est pas nécessairement un phénomène pathologique. L’être-au-travail d’une personne peut être différente de ce qu’elle est dans le privé et il nous arrive banalement de faire automatiquement des tâches. Le pathologie commence lorsque les différents états sont vécus de manière étanche et qu’il n’est plus possible de lier entre eux les différents états de conscience

Le DSM-IV distingue plusieurs troubles dissociatifs

1. L’amnésie dissociative est l’incapacité à se souvenir de souvenir personnels importants, généralement traumatiques ou stressants. La mémoire n’est pas en cause.

2. La fugue dissociative est un départ soudain du milieu de vie habituel avec une amnésie couvrant le moment de la fugue. Le comportement de la personne peut être parfaitement normal au moment de la fugue

3. Le trouble dissociatif de l’identité est caractérisé par la présente de plusieurs identité dans une seule personne. Ces « états de personnalité » sont alors distincts avec des mentalités particulières. Elles prennent tour à tour le contrôle du comportement du sujet et certains événements de la vie de celui-ci restent frappés d’amnésie. La série United States of Tara met en scène une famille aux prises avec les différents alter-égo de la mère de famille.

On pourrait être tenté de faire de tous les Super Héros des personnes présentant un trouble dissociatif de l’identité puisqu’ils sont au moins doubles : ils ont leur identité civile, et ils sont par ailleurs des êtres exceptionnels dotés de super pouvoirs. Cela est vrai dans une certaine mesure si l’on considère que le Super Héros correspond aux rêvasseries d’une personne. La rêvasserie est une activité isolée de la conscience. Elle n’a pas la fonction synthétisante de la rêverie ou de l’imaginaire. Elle permet de vivre des histoires sans liens avec la conflictualité interne. Les Super Pouvoirs sont alors des figurations d’un Moi Idéal encore chargé de la toute puissance infantile. Dans cette conception, la vie de Spiderman correspondrait aux rêvasseries d’un Peter Parker incapable de trouver des satisfactions dans la réalité.

Cependant, cette conception est une forme amoindrie du trouble dissociatif de l’identité puisque, comme nous venons de le voir, celui-ci suppose une absence à soi même qui n’est pas nécessairement présente dans les rêvasseries.

L’amnésie dissociative

Wolverine est coutumier de l’amnésie dissociative. Il ne se rappelle jamais les massacres auxquels il se livre régulièrement ; le docteur Bruce Banner ne sait jamais ce qu’a fait Hulk et doit reconstituer les événements à partir des destruction que le géant vert a l’habitude de provoquer sur son passage. Wolverine et Hulk permettent à Jame Howlett et à Bruce Banner de vivre de façon dissociée des moments de rage extrême. Ces colères sont isolées du fonctionnement normal de la personne. Elles ne l’affectent donc pas puisque la personne ne vit pas réellement émotion. Il faut préciser qu’à l’amnésie dissociative de James Howlett s’ajoute probablement une trouble dissociatif de l’identité : il se fait appeler Logan sans trop savoir pourquoi jusqu'à ce qu’il (re)rédécouvre qu’il s’agit du prénom porté par le jardinier de sa famille, c'est-à-dire, très probablement, de son père.

D’autres Super Héros ont présenté des amnésies dissociatives. Citons Spiderman dont l’amnèsie dissociative gênera la vie de Peter Parker ou encore Venom et le Docteur Octopus qui tous les deux un épisode amnésique ;

Le trouble dissociatif de la personnalité

Double Face illustre le trouble dissociatif de la personnalité jusque sur son visage. Une partie de celui-ci est hideusement déformée par un jet d’acide, tandis que l’autre garde sa beauté originelle. Comme son visage, Double Face est divisé entre le vice et la vertu. Il soumet ses actions au jugement d’une pièce de monnaie et selon le coté ou elle tombe il agit en Harvey Dent, courageux procureur de la ville de Gotham ou en Double Face, terrible criminel et chef de gang.

Le Gobelin Vert, portemanteau grimaçant et malveillant de Norman Osborn et de son fils Harry peut être compris comme un trouble dissociatif partagé par le père et le fils.

Légion, le bien nommé fils du professeur Xavier et de Gabrielle Haller contient plusieurs personnalités. Chacune de ces personnalité détient quelques uns de ses nombreux super pouvoirs. Comme tous les télépathes, son extrême sensibilité, le contact intime qu’il a avec les autres, êtres ou choses, lui rendent peu claires les limites de son self. Il court alors le risque de se perdre dans des identités multiples, dans les mémoires de toutes les personnes ou dans les fragments d’identités présentes ou passées qu’il contient.

Ce risque est également illustré par les figures dans lesquelles le héros change d’apparence sans changer d’identité où change d’identité sans changer de corps. Il est alors « habité » par une ou plusieurs entités étrangères. Un métamorphe comme Mystique illustre parfaitement le changement d’apparence sans changement de corps tandis que sa fille adoptive Malicia est sur l’autre versant : elle garde le même corps, mais s’empare, momentanément ou durablement, les pouvoirs et les souvenirs de tous ceux qu’elle touche peau à peau.

Dans le DSM, la description des troubles se veut exclusivement descriptive. Le trouve dissociatif de l’identité correspond en fait a toute une série de pathologies allant de l’hystérie à la psychose en passant par les pathologies du deuil. La problématique du deuil me semble être celle qui est le plus mise en avant. C’est cet aspect qui est mis en avant par Légion qui « absorbe » les identités de personnes avec lesquelles il est en lien télépathique au moment ou elles meurent. En d’autres termes, il les maintient vivantes en lui, ce qui lui permet d’éviter le douloureux travail de deuil. Selon la formule freudienne, dans le deuil « l’identification a pris la place du choix d’objet, le choix d’objet a régressé jusqu'à l’identification ». En d’autres termes, on devient celui que l’on a aimé, et parfois, on est hanté par le disparu.

On retrouve le lien avec le deuil avec l’amnésie dissociative qui frappe Matt Murdock : pendant toute cette période, il pense qu’il est son propre père et se comporte comme tel.

L’insistance mise sur les troubles dissociatifs est à comprendre comme une indication de la charge de travail qui pèse sur les personnages. Les Super Héros ont pour principal travail de transformer des choses extra-ordinaires. Comment vivre lorsque l’on a des pouvoirs qui vous rapprochent des Dieux ? Comme aimer ou hair lorsque vous êtes capable d’imposer vos désirs et détruire vos ennemis ? Comment devenir soi ? Comment, banalement, être humain ? Ce qui est mis en scène, c’est le travail d’appropriation subjective auquel nous sommes tous confrontés. Ce travail passe par deux grandes séries. La première est intrapsychique. Elle ne concerne que l’individu et son monde interne. La seconde est inter générationnelle. Elle est une question d’héritage. C’est sans doute parce qu’il mêle les deux séries que le deuil est si souvent mêlé au trouble dissociatif dans les histoires de Super Héros.

Source : http://superherossurledivan.blogspot.fr/?view=flipcard

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