• ➤ Franc-maçonnerie, paganisme et magie sexuelle

    ➤ Franc-maçonnerie, paganisme et magie sexuelleExtraits tirés de la thèse de doctorat de Stéphane François intitulée

    "Les paganismes de la Nouvelle Droite" (2005) - Source

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    La survivance du paganisme dans les élites

    Persistance du paganisme au sein de la franc-maçonnerie ?

      Selon Gérard Galtier ( « L’époque révolutionnaire et le retour aux mystères antiques : la naissance des rites égyptiens de la maçonnerie », 1989)   , les cultes égyptiens ont joué un rôle important dans l’élaboration- lui parle de renouvellement- des rites maçonniques. Au XVIIIe siècle, l’égyptomanie importante rencontra une autre mode, la franc-maçonnerie, l’influençant. De cette rencontre sont nés un nombre impressionnant de rites, de grades et de systèmes maçonniques « irréguliers », donnant naissance aux franc-maçonneries de marge ainsi qu’à un monde paramaçonnique occultiste très vivant, l’Egypte attirant les occultistes. En effet, il y a au XIXe siècle et au début du XXe siècle une forte proportion de francs-maçons de marge membres de sociétés occultistes, « magiques » pour reprendre l’expression de Massimo Introvigne.

    Les rites de la franc-maçonnerie marginale dite « égyptienne », aussi connue sous le nom de Memphis-Misraïm, inventée par Cagliostro (Giuseppe Balsamo 1743-1795 ?) au XVIIIe siècle, sont fortement imprégnés de références aux cultes égyptiens. L’histoire de cette tendance de la franc-maçonnerie constitue l’un des chapitres les plus embrouillés des rites maçonniques marginaux et il est donc impossible de retracer synthétiquement son histoire (Pour plus de détails sur la franc-maçonnerie égyptienne nous renvoyons le lecteur vers l’étude de G. Galtier, Maçonnerie égyptienne, Rose-croix et néo-chevalerie, Editions du Rocher, 198).

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    La première tentative de franc-maçonnerie égyptienne eut lieu à Berlin en 1767. Il s’agit de l’Ordre des Architectes Africains fondé par un officier de l’armée prussienne, Friedrich von Köppen ( G. Galtier, « L’époque révolutionnaire et le retour aux mystères antiques », art. cit., p. 123) . En 1784, Cagliostro créa le Rite de la haute magie égyptienne, sous le Premier Empire apparurent les rites maçonnique de Memphis et de Misraïm, plus tard à Naples naquit l’Ordre égyptien. « Toutes ces loges et obédiences, écrit Christian Bouchet, n’étaient pas ostensiblement païennes mais contribuaient à créer une atmosphère, une ambiance. On y mélangeait la Bible et les enseignement de Pythagore, la kabbale et les dieux égyptiens... Dans certaines loges maçonniques, ce n’était plus l’Evangile de Saint Jean qui figurait sur l’autel mais un exemplaire du Livre des morts égyptiens, et le mythe d’Hiram était remplacé par celui d’Osiris... » (C. Bouchet, Néo-paganisme, op. cit., p. 4)

    Arturo Reghini affirmait clairement l’aspect païen de la franc-maçonnerie en particulier ce qui concerne son aspect méditerranéen, égyptien et pythogoricien ( A. Reghini, Tous les écrits de UR & KRUR [1927-1928-1929], trad. P. Baillet et Y. Tortat, Milan, Archè, 1986) . Nous avons vu aussi précédemment les liens filiaux supposés entre la franc-maçonnerie et le druidisme et notamment la « franc-maçonnerie du bois » (Pour plus de détails sur cette forme de franc-maçonnerie, nous renvoyons le lecteur vers l’étude du professeur J. Brengues, La Franc-maçonnerie du bois. Protectrice de la forêt, op. cit.)  dont les rites, connus sous le nom de « rites forestiers », seraient apparus vers 1745.

    Selon Christopher Gérard, il existerait une frange de la franc-maçonnerie utilisant des rites païens, même si ces loges ne sont pas réellement païennes. Or ces pratiques ne resteraient pas confinées dans les franc-maçonneries de marge selon son témoignage : « Des maçons, du Grand Orient de Belgique, s’intéressent aussi au Paganisme (je connais un cas de haut responsable qui s’est déclaré païen), d’autres, en retard d’une guerre, sont hostiles à notre démarche, qualifiée de ‘‘dangereuse’’ ou plus subtile, tentent d’occuper le terrain pour neutraliser un courant qui leur fait peur. » (C. Gérard, Parcours païen, op. cit., p. 44.) Il a, par ailleurs, eu un entretien avec ces maçons païens qui se font appeler les « phratriarques ». Contrairement aux autres groupes païens cités dans cette étude, ce groupe ne se revendique d’aucune tendance politique, d’aucune religion ni d’aucune école initiatique et/ou ésotérique . (« Entretien avec un phratriarque », Antaïos, n°12, hiver 1997, p. 140.) Ce groupe revendiquerait une recherche de la Tradition antique qui aurait été abandonnée par la franc-maçonnerie sous la pression du christianisme . (Ibid., p. 141)

    Ce thème de la christianisation forcée de la franc-maçonnerie revient souvent chez certains maçons hétérodoxes et notamment chez ceux qui se réclament de la tradition celtique (de la franc-maçonnerie du bois) ou de la tradition italique (A. Reghini, Tous les écrits de UR & KRUR, op. cit.). Ainsi Régis Blanchet, qui n’est pas néo-droitier, soutient même l’idée de collusions entre le christianisme et la franc-maçonnerie moderne : « La maçonnerie contemporaine –et en cela elle a bien fait le jeu des Eglises constituées- a absolument éradiqué de ses bandes mémorielles cet apport celtique de ses premières années .» (« Le chaînon manquant », Le jardin des dragons, n°13, « Les collèges d’Oxford au XVIIe siècle », t. 2, Rouvray, Les Editions du Prieuré, 1994, p. 109.) Cette franc-maçonnerie païenne de tendance celtique a été réactivée en 1993 sous l’impulsion de Régis Blanchet et de Gwenc’hlan Le Scouëzec, un néo-druide, garant de la filiation avec le druidisme et le celtisme. Cette loge regroupe des maçons de toutes obédiences. En outre, Rémi Boyer, un franc-maçon proche des rites marginaux, a reconnu, dans un article publié dans L’Originel, le caractère païen de certains rites maçonniques . (R. Boyer et J.-P. Giudicelli de Cressac Bachelerie, « Franc-maçonnerie et paganisme », L’Originel, n°5, avril 1996, pp. 42-51. Jean-Pierre Giudicelli de Cressac Bachelerie est un compagnon de route de l’extrême droite : il est passé par Ordre nouveau et Troisième Voie, et un sympathisant du FLNC. Cf. S. Faubert, « Le vrai visage des sociétés secrètes », L’Evènement du Jeudi, semaine du 4 au 10 novembre 1993, p. 46.)

    (...)

    Une sexualité sans péché originel

    Le paganisme est réputé pour sa liberté sexuelle. Ainsi Guillaume Faye écrivait en 1983, « Dans une conception païenne de la société – à la fois libertaire et souveraine, conviviale et régalienne, animée par le principe de plaisir comme par la volonté de puissance – tout peut coexister de manière organique et polythéiste : l’ascèse sexuelle, le libertinage, l’esprit de jouissance, la déviance, l’homosexualité, le saphisme, la sublimation, l’esthétisme. Chacune de ses attitudes correspond à une fonction, à un ordre, normé par des codes rigoureux . » (G. Faye, Sexe et idéologie, Paris, Le Labyrinthe, 1983, p. 25.) Faye a donc une vision très particulière, très « libérée », de la sexualité païenne allant à l’encontre du discours moralisateur dominant l’extrême droite. De fait, la sexualité païenne porte en elle une révolution culturelle en sapant les fondements de la morale chrétienne, à l’instar de la « révolution sexuelle » désirée par les freudo-marxistes, comme Michel Foucault (1926-1984) ou Wilhelm Reich (1897-1957) dans un autre domaine.

    La sexualité et le sacré

    De fait, dans une conception néo-païenne de la sexualité est mis en avant une forme de panthéisme fondé sur l’aspect sacré du sexe. En effet, certaines personnes ou groupes gravitant dans la nébuleuse de la Nouvelle Droite insistent sur le lien existant entre la sexualité et le sacré. Ce lien aurait été détruit, nié, par l’avènement du christianisme. Pour les renouer, ces personnes se tiennent informées des dernières publications scientifiques consacrées à la sexualité antique et à l’Inde historique et contemporaine, celle-ci la dernière civilisation païenne ayant gardé des traces du modèle sociétal antique. Ainsi, le numéro 12 de la revue Antaïos ( Antaïos, n°12, hiver 1997, p. 199.) cite les travaux de C. Calame sur L’éros dans la Grèce antique ( C. Calame, L’éros dans la Grèce antique, Paris, Belin, 1996.) , ceux de C. Bishop sur l’Inde, Le sexe et le sacré ( C. Bishop, Le sexe et le sacré, trad. P. Cornu, Paris, Albin Michel, 1997.) ou ceux de N.J. Robert sur L’éros romain. Sexe et morale dans l’ancienne Rome . (J.-N. Robert, L’éros romain. Sexe et morale dans l’ancienne Rome, Paris, Les Belles Lettres, 1997/) Il est vrai que des cultes à connotation sexuelle ont existé dans l’Antiquité, voire même depuis la préhistoire. Ainsi, le phallus fut vénéré en Occident depuis la préhistoire . (F. King, Esotérisme et sexualité [1971], trad. J. Reigner, Paris, Payot, 2004, pp. 79-103) Mircea Eliade note à ce propos que « Sous l’apparence d’une divinité frivole, se dissimule l’une des sources les plus profondes de l’expérience religieuse : la révélation de la sexualité en tant que transcendance et mystère .» (M. Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses, Paris, Payot, 1976, p. 296.)

    La mystique sexuelle

    La sexualité, débarrassée de l’idée de péché originel, peut être un moyen d’atteindre le sacré. Il peut aussi un facteur de lien social via la pratique de cérémonies orgiaques : ici se ressent l’influence du sociologue Michel Maffesoli, pour qui l’orgiasme est « [...] une manière de poser le problème de la socialité ou de l’altérité .» (M. Maffesoli, L’ombre de Dionysos. Contribution à une sociologie de l’orgie, Paris, Le livre de poche, 1991, p. 14.) Selon ce sociologue, l’orgiasme tend vers un ordre confusionnel allant à l’encontre de l’individuation, et donc de l’individualisme, figure de la modernité. En effet, Maffesoli postule dans son essai qui lui est consacré, L’ombre de Dionysos. Contribution à une sociologie de l’orgie, que son rôle est primordial à ses yeux car il est la caractéristique des cultes dionysiaques et de certains cultes proche comme le shivaïsme, qui dans ses diverses modalités, dont toutes ne sont pas de nature sexuelle, tend à la « fusion dans le grand tout », avec le Grand Pan. « Pan » signifiant en grec « tout », cette divinité est celle de l’énergie sexuelle et de la Nature, manifestation du vitalisme. Elle est d’ailleurs souvent représentée sous les traits d’un satyre ce demi-dieu rustique, réminiscence d’un culte chamanique, avec les pattes et les cornes de bouc, une couronne de fleurs et de fruit sur la tête, c’est-à-dire à la communion panthéiste avec la nature.

    Ce sociologue voit donc dans les pratiques orgiaques une réminiscence de culte et/ou de pratiques dionysiaques. Cet orgiasme est également cosmique en ce qu’il immerge le groupe orgiaque lui-même dans une globalité les dépassant, les englobant plutôt, dans la globalité cosmique. En effet, les rites orgiaques, quelle que soit leur nature, telles que l’accouplement de l’homme et de la femme, qui évoque l’union du Ciel et de la Terre, et la danse extatique, chamanique, qui imite les mouvements des planètes, reproduisent en effet au niveau du microcosme humain les évènements cosmiques les plus fondamentaux et recréent, ce faisant, un lien analogique proprement religieux, ou du moins ésotérique les correspondances étant l’une de ses six caractéristiques, entre les hommes et le monde dans lequel ils vivent.

    Cette démonstration montre bien la vision qu’ont les néo-païens de la sexualité. Le professeur Massimo Introvigne fait d’ailleurs remarquer qu’« [...] aux origines du renouveau païen [...] il y a souvent un véritable culte de la sexualité. Dans le paganisme contemporain, on trouve souvent des expressions de magie sexuelle et des alliances, notamment aux Etats-Unis, avec le féminisme et avec le mouvement pour les droits des homosexuels .» (M. Introvigne, « Expressions païennes », art. cit., p. 13.) Par exemple, il existe une tendance du néo-paganisme germano-scandinave qui pratique une forme de chamanisme féminin comprenant des pratiques sexuelles appelée le Seidr.

    En outre, cet intérêt pour la sexualité et la magie sexuelle dépasse le cadre du néo-paganisme. Ainsi, certains néo-droitiers non païens se penchent aussi sur la magie sexuelle du fait de leur intérêt pour l’occultisme. C’est le cas de Christian Bouchet qui se situe spirituellement « [...] à la confluence de l’occultisme occidental et du tantrisme shivaïte [...] » et dont les maîtres spirituels sont Crowley, Evola et Gurdjieff (C. Bouchet, « L’anti-tradition et moi », in Que vous a apporté René Guénon ?, op. cit., p. 137-138). De fait, les néo-païens sont influencés par tout un courant de l’occultisme occidental, né au XVIIIe siècle, et qui a connu un franc succès à la fin du XIXe siècle. Toutefois, cet occultisme n’est pas le seul à avoir théorisé la magie sexuelle, même s’il l’a fait de façon systématique.

    En effet, l’Inde a une longue tradition derrière elle dont le tantrisme est le visage à la fois le plus connu et le plus mal connu. Le tantrisme est un courant mystique issu de manuels appelés tantra, qui recommandent, comme moyens d’ascèse, divers rites sexuels fondés sur une parfaite maîtrise de soi. Il existe deux voie spirituelles tantriques : celle de droite qui utilise l’énergie diffuse dans le corps humain et qui prône l’abstinence sexuelle et celle de gauche qui prend directement appui sur l’expérience sexuelle. Alain Daniélou voyait dans le tantrisme une manifestation du shivaïsme, lui-même étant une persistance d’un culte pré-indo-européen. Ce courant très ancien est mal vu des hindouistes orthodoxes, qui lui reprochent de violer des préceptes fondamentaux (consommation d’alcool, de mets interdits, rapports sexuels extraconjugaux, etc.). En Occident, le tantrisme est mal connu et souvent caricaturé: l’omniprésence de la sexualité dans ces rites a donné lieu à bien des malentendus. Par ailleurs, l’un des grands spécialistes du tantrisme était le professeur Jean Varenne, traducteur des Védas et des Upanishads mais qui fut aussi l’un des présidents du G.R.E.C.E. et un membre du Front national.

    Le yoga, peut aussi avoir un aspect sexuel : « C’est ce qui explique les surprenantes connaissances que nous rencontrons dans les sciences hindoues, écrit Alain Daniélou. Les techniques érotiques sont liées aux méthodes de Yoga. Pour chaque forme de Yoga, pour chaque posture, il existe une forme non érotique et une forme érotique. Les formes de Yoga qui utilise l’érotisme à des fins de développement intellectuel et spirituel ou pour acquérir des pouvoirs supranaturels, sont beaucoup plus efficaces que les autres mais peuvent être parfois dangereuses puisqu’elles affectent le centre même de la vie .» (A. Daniélou, « L’Erotisme dans la Tradition hindoue », art. cit., p. 74.) Cette magie sexuelle orientale a joué un rôle important dans la conceptualisation et l’essor de la magie sexuelle occidentale, via la vague de l’indomanie au XIXe siècle.

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  • Commentaires

    1
    Jack
    Mardi 27 Mars 2018 à 16:12
    Intéressant... Mais il serait bon de rappeler que le rapprochement français, FM-Druidisme de 93, s'est soldé par une scission trois ans plus tard, sans surprise... Contrairement à des loges comme le Bnai Brith, comme je l'ai écris sous l'article de Kerth Barker, il y a incompatibilité fondamentale ente enseignements des mages égyptiens et celtes.
    Chez les égyptiens comme dans l'ancien Testament, il est question de dominer la nature plutôt de ne faire qu'un avec elle.
    Même le rite forestier est paria de la FM.

    Sinon il y aussi le taoisme qui prône la maîtrise des énergies sexuelles. C'est également l'enseignement du tantrisme. Une très bonne chose jusque là.
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    Jack
    Mardi 27 Mars 2018 à 16:22
    Intéressant... Mais il serait bon de rappeler que le rapprochement français, FM-Druidisme de 93, s'est soldé par une scission trois ans plus tard, sans surprise... Contrairement à des loges comme le Bnai Brith, comme je l'ai écris sous l'article de Kerth Barker, il y a incompatibilité fondamentale ente enseignements des mages égyptiens et celtes.
    Chez les égyptiens comme dans l'ancien Testament, il est question de s'élever au dessus de la nature à travers la construction, plutôt de ne faire qu'un avec elle.
    Même le rite forestier est paria de la FM.

    Sinon il y aussi le taoisme qui prône la maîtrise des énergies sexuelles. C'est également l'enseignement du tantrisme. Une très bonne chose jusque là.
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