• Pourquoi faut-il prendre au sérieux le témoignage de Régina Louf ?

     

    Pourquoi faut-il prendre au sérieux le témoignage de Régina Louf ?Certaines idées se répandent comme de la glu, telle cette distinction entre "croyants" et "non-croyants"; traduisez ceux qui croient aux protections et ceux qui ne croient pas. Cette division donne le beau rôle à ceux qui ne croient pas aux protections. Ceux qui y croient apparaissent comme des êtres irrationnels, emportés par leurs émotions et leurs fantasmes. Grâce à cette dichotomie, on transforme la question des réseaux de pédophilie en problème de croyance et presque de religion. On circonscrit ainsi une nouvelle secte: ceux qui croient aux réseaux et aux protections.

    Quel est le véritable clivage observé dans l'opinion? D'un côté, on voit des gens bouleversés par les assassinats de Julie et Mélissa, Ann et Eefje, les enlèvements de Sabine et Laetitia, etc. De l'autre côté on trouve des gens dont le leitmotiv est: "faites confiance à la justice". On voit que la vraie distinction concerne ceux qui veulent la vérité et ceux qui veulent laisser faire la justice.

    Les réactions au témoignage de Regina illustrent cette distinction. Regina rapporte des faits détaillés, nombreux et gravissimes. Depuis plus de six mois son témoignage ne donne plus lieu à aucun devoir d'enquête, mais à une "relecture"qui s'éternise et qui consiste à traquer les erreurs éventuelles des anciens enquêteurs. Parallèlement, se développe une campagne - entretenue par les nouveaux enquêteurs - qui vise à mettre en doute la crédibilité de Regina. Ceux qui font confiance à la justice ne semblent pas s'inquiéter de cet état de choses.

    Pourtant, un esprit raisonnable doit se poser quelques questions. Tout d'abord, il faut se demander si le degré d'horreur atteint par Regina n'amène pas à souhiter inconsciemment qu'il ne soit pas vrai. Que l'on songe au récit de l'accouchement et de la mort de Carine Dellaert. L'émotion engendrée par de telles monstruosités nous amène à les repousser, à les refouler. Or, il faut prendre conscience du fait que si ces émotions sont désagréables pour nous, elles sont sans commune mesure avec les souffrances des victimes elles-mêmes. Nous sommes donc moralement obligés de vérifier ces récits. D'autre part, il faut se demander si le ralentissement des enquêtes est dû à des erreurs commises par les premiers enquêteurs et au manque de crédibilité de Regina oú s'il résulte d'une volonté de freinage due à l'importance des personnalités mises en cause.

    La seule manière de résoudre ces questions est d'analyser les informations dont nous disposons (et que nous avons tenté de rassembler dans ce "Dossier X1"): il s'agit de les décomposer et de les rassembler dans un ensemble qui permette de les expliquer. C'est comme un puzzle dont il faut mettre les pièces en place et non se contenter de les regarder avec étonnement ("Puzzle" en anglais signifie embarasser, intriguer). Il est nécessaire aussi de mettre ensemble toutes les pièces c'est-à-dire tous les faits connus - et de ne pas rejeter ceux qui ne cadrent pas avec nos vues préalables..

    Pour ne citer que deux exemples, parmi des dizaines de faits concrets, comment expliquer que Regina évoque le nom de Nihoul dans l'assassinat de Christine Van Hees et que le Dolo et la radio libre de Nihoul apparaissent dans le dossier d'enquête mené en 1984? Comment expliquer que Regina soit la seule personne qui ait jamais parlé de la grossese de Carine Dellaert, grossesse démontrée par le rapport du médecin légiste? La précision de ces éléments oblige à penser que Regina était présente sur les lieux de ces assassinats et que son témoignage sur les réseaux pédophiles et sadiques est authentique. Comment expliquer sinon que Regina connaisse les détails de dossiers criminels anciens situés dans différents arrondissements judiciaires et dans des langues différentes.

    Si Regina n'a pas assisté aux scènes qu'elle décrit, elle a dû être informée du contenu des dossiers judiciaires: quand? par qui? dans quel but? Une telle supposition amène à croire à des réseaux encore oplus sophistiqués que ceux auxquels les "non-croyants" refusent de croire.