Devant plusieurs dizaines d'étudiants et de chercheurs, Mme Laferrière-Simard a d'entrée de jeu tenu à préciser que la dissociation est un phénomène adaptatif commun et inoffensif, auquel
tout un chacun peut être confronté dans la
vie quotidienne.
"La dissociation se produit, par exemple, lorsqu'on est dans la lune, qu'on rate une sortie sur la route ou encore quand on ne se souvient plus de rien après avoir parlé en public comme je le fais actuellement", a lancé avec une touche d'humour celle qui dirige aussi la
Clinique universitaire de psychologie de l'UdeM.
Un trouble lié à un traumatisme Mais le dédoublement de la personnalité, qui touche jusqu'à trois pour cent de la population, est un problème pathologique qui tire son origine presque exclusivement de traumatismes, généralement survenus sur une période prolongée durant l'enfance.
Selon les
données citées par Mme Laferrière-Simard, 95 % des personnes atteintes d'un TDI rapportent avoir été abusées soit sexuellement, soit physiquement. Et, dans 90 % des cas, ce sont des femmes.
La souffrance liée à ces traumatismes serait telle que, chez des individus ayant une capacité innée à la dissociation, la seule façon d'y faire face serait de se détacher de soi, parfois jusqu'à se créer des identités parallèles.
"Lorsque la dissociation persiste tandis que les évènements traumatiques ont pris fin, il ne s'agit plus d'un état adaptatif, mais plutôt d'un fonctionnement pathologique et envahissant", dit-elle. Contrairement à la dissociation normale, qui est de courte durée, légère et transitoire, la dissociation pathologique est chronique, grave et débilitante.
De plus, la dissociation pathologique peut être complète ou partielle : dans le premier cas, chaque "personnalité" agit de façon distincte avec des caractéristiques particulières (âge, image corporelle et comportements différents), tandis que, dans le second cas, les différentes "personnalités" peuvent être conscientes les unes des autres.
Et l'ampleur des symptômes est en général fonction de la
gravité du traumatisme.
"Plus un individu a été abusé, plus les symptômes dissociatifs seront importants", ajoute Mme Laferrière-Simard.
Enfin, la dissociation peut aussi être présente dans
"les troubles anxieux, les troubles de l'humeur, le trouble de stress post-traumatique, les troubles de la personnalité, les troubles des conduites alimentaires et les troubles psychotiques", précise la spécialiste du TDI.
Vouloir être traité : la clé du succès
En raison de sa nature traumatique, le dédoublement de la personnalité se traite principalement par la psychothérapie, contrairement à la
schizophrénie, qui se soigne habituellement par une médication.
"Il est essentiel que les patients qui souffrent de TDI viennent d'eux-mêmes en traitement, puisque l'une des premières étapes de la thérapie est l'acceptation, indique Mme Laferrière-Simard. Mais ils vivent parfois des luttes intérieures où une personnalité qui prend le contrôle refuse d'être traitée ou décide de rester à part." Les chances de
guérison dépendent de nombreux facteurs, mais un traitement réussi d'un dédoublement de la personnalité est d'habitude long.
"Il est fréquent que les patients abandonnent, mais, lorsqu'ils persistent, ils parviennent à mieux fonctionner au quotidien", conclut la psychologue.