• ➤ Trouble Dissociatif de l'Identité en Corée du Sud : Rapport sur deux cas

    ➤ Trouble Dissociatif de l'Identité en Corée : Rapport sur deux cas Ilbin Kim, Daeho Kim,  Hyun-Jin Jung - Department of Psychiatry, Hanyang University College of Medicine, Seoul, Republic of Korea

    Sourcehttps://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4823204/

    2016 Korean Neuropsychiatric Association

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    Bien que le Trouble Dissociatif de l'Identité (TDI), le plus grave des troubles dissociatifs, ait ses propres critères de diagnostic depuis son introduction dans le DSM-III, on observe rarement des cas de TDI en Asie du Sud et de l'Est, probablement en raison de la prévalence plus élevée du Trouble de la possession.

    Voici un rapport sur deux patients qui ont été récemment admis dans notre unité psychiatrique, qui ont démontré des transitions bien distinctes entre plusieurs identités. Leurs diagnostics ont été confirmés par un entretien structuré sur les troubles dissociatifs, et les diagnostics différentiels possibles ont été écartés par des tests psychologiques, de neuro-imagerie et de laboratoire. La transition rapide vers une société individualiste et occidentalisée, associée à une augmentation de la maltraitance des enfants, pourrait contribuer à une augmentation du nombre de personnes souffrant d'un TDI, auparavant sous-diagnostiqué dans cette région du monde.

    INTRODUCTION

    Le trouble dissociatif de l'identité (TDI) est rarement signalé en Asie. Il est si rare que certains auteurs ont avancé l'hypothèse selon laquelle le TDI serait un syndrome lié à la culture Euro-Américaine (1). En réalité, le TDI est présent dans les pays asiatiques, bien que sa prévalence soit inférieure à celle des pays occidentaux. La prévalence du TDI dans la population clinique varie de 1% à 5% en Amérique du Nord, en Europe et en Turquie (2), mais de seulement 0 à 0,5% en Inde, au Bangladesh et en Chine (3),(5). Seulement deux cas de TDI ont été rapportés dans des revues académiques Sud-Coréennes (6),(7). Nous rapportons ici deux cas récents de patients coréens ayant subi plusieurs traumatismes dans l'enfance et ayant montré alternativement plusieurs identités.

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    PATIENT N°1

    Un Coréen de 20 ans a été transféré de l'hôpital militaire pour être admis dans un service psychiatrique intensif en raison de plaintes pour comportements violents épisodiques à l'égard de ses camarades soldats, ainsi que des changements de caractère et de personnalité ayant commencé dès le début de son service militaire deux mois plus tôt. Quatre mois avant son admission dans l'armée, le patient rentrait chez lui après six ans d'études à l'étranger. Ses parents ont signalé que le comportement du patient n'était plus le même que lors d'une visite précédente, un an plus tôt, où il était timide et réservé. En revenant en Corée, l'homme semblait très confiant et a déclaré à ses parents qu'il souhaitait faire son service militaire. En outre, il était très oublieux, perdant souvent ses affaires. À une occasion, le patient a été retrouvé par la police dans une rue éloignée de sa maison et ne se souvenant plus de comment il était arrivé là. Peu de temps après ces incidents, le patient s'est présenté à l'armée pour son service militaire obligatoire. Sur le camps d'entrainement, il semblait très investit et sociable, un état très différent de son caractère habituel.

    À plusieurs reprises il s'est mis à ne parler que l'anglais, qui n'est pas sa langue maternelle. Un des incidents rapporté a été une violente agression blessant un autre soldat. Alarmé par ses problèmes psychologiques, l'armée l'envoya dans une unité psychiatrique où le personnel a pu observer ses différentes personnalités. Après une semaine, le personnel décida de l'envoyer dans un hôpital psychiatrique civil. Au cours d'un mois d'hospitalisation, sept personnalités alter ont pu être observées. La personnalité principale (l'hôte) était très calme et intimidée. John, était une personnalité arrogante, peu coopérative, et ne parlant que l'anglais, elle est apparue à plusieurs reprises au cours des entretiens. Une autre personnalité alter violente est apparu deux fois lorsque le patient se replongeait dans son enfance. Durant la transition à l'alter violent, le patient a cassé une fenêtre avec son poing et a essayé de frapper son médecin. Un autre alter nommé Cho est apparu une fois. Cho s'est présenté comme l'observateur et le narrateur de l'histoire du patient. Cho a insisté sur le fait qu'il connaissait très bien la personnalité hôte ainsi que d'autres alter. Il parlait le coréen et l'anglais, décrivant la personnalité hôte comme une "chose pitoyable", l'alter violent comme un "tueur assoiffé" et l'alter arrogant, John, comme une "merde". Pendant qu'il parlait, Cho effectuait une écriture automatique avec sa main gauche, dont il ne semblait pas avoir conscience. Trois autres personnalités alter ont été observées, dont un garçon de cinq ans, un alter semblant avoir le rôle de mère et un homme "métamorphosé". Cho était conscient des processus de transition d'un alter à l'autre et a affirmé qu'il existait encore plus de personnalités alter, bien qu'elle n'aient pas toutes été observées durant l'hospitalisation.

    Les tests de laboratoire, y compris le dépistage de consommation de drogue et la tomodensitométrie cérébrale n'ont révélé aucune anomalie chez la personnalité hôte. L'électrocardiogramme (ECG) indiquait un "rythme sinusale normal". Il est intéressant de noter que lorsqu'un nouveau test a été effectué avec l'alter Cho, l'ECG a indiqué un tout autre rythme (ndlr : right bundle branch block). Une déficience cognitive ou des simulations ont été écartées grâce à une batterie complète de tests psychologiques. Aucune autre pathologie psychiatrique n'a été trouvée. Un entretien clinique structuré pour le trouble dissociatif du DSM-IV a confirmé le diagnostic actuel de TDI (trouble dissociatif de l'identité).

    Dans le SCID-D, le patient a obtenu comme résultat la catégorie d'amnésie sévère, de dépersonnalisation, de confusion et d'altération d'identité, changement d'humeur, régression de l'âge, ainsi qu'une voix interne. Le patient a démontré l'existence de personnalités alternatives avec des noms, des âges et des traits de caractères distincts. Chaque alter a pris le contrôle total du patient, ce qui lui a valu parfois de se retrouver dans des endroits étranges sans se souvenir d'avoir quitté l'endroit où il était précédemment, mais aussi de parler anglais. Le patient a également rapporté une amnésie totale durant la prise de contrôle d'un alter.

    Le patient a signalé des violences physiques et émotionnelles répétées durant son enfance, ainsi que la négligence de ses parents. À chaque fois qu'il accédait à ces souvenirs, il devenait agité et l'alter violent prenait le dessus. Le traitement a été axé sur la stabilisation et régulation des affects, les exercices au sol et les techniques d'imagerie. Le traitement l'a rendu plus ancré/reposé et plus détendu, a également diminué la fréquence des alternances entre les différentes personnalités alter, en particulier l'alter violent. Après un mois d'hospitalisation, le patient a été libéré.

    PATIENT N°2

    Une femme de 19 ans a été admise dans notre unité hospitalière pour cause d'irritabilité épisodique et de violence. Ces épisodes ont débuté un an avant l'hospitalisation, après un grave conflit avec sa mère. La patiente est devenue agitée, paniquée, avec des tremblements, elle avait des comportements violents non maîtrisés comme la destruction d'objets ménagers et de meubles. La patiente ne se souvenait pas de ces épisodes violents et des ses comportements émotionnels. Au cours de l'hospitalisation, quatre personnalité alter ont été observées, dont la personnalité hôte. À chaque fois que la patiente parlait d'expériences vécues dans son enfance, une fille de 15 ans appelée Eunju émergeait. Avant les transitions, la patiente présentait une transpiration et des tremblements importants. Cette personnalité alter ne reconnaissait pas les autres personnes, y compris son thérapeute, et ne permettait à personne de s'approcher d'elle. Elle était irritable sur le plan émotionnel, elle a sangloté pendant deux heures. Elle affichait une posture retirée jusqu'à ce que la personnalité d'origine ne revienne, ne se souvenant alors plus de cet épisode. La patiente montrait régulièrement un alter de 5 ans au discours enfantin. Cet alter a commencé à émerger relativement tard au cours de l'hospitalisation, lorsque l'apparition de l'alter violent diminuait progressivement. Ce jeune alter gémissait pour que sa mère vienne la réconforter durant la nuit. Une autre personnalité alter était une femme de 30 ans, de nature dominante, qui était parfaitement consciente de l'existence des autres alter, y compris de la personnalité hôte. Elle exprimait une profonde sympathie pour leur immaturité et leurs souffrances. Néanmoins il n'y avait aucun signe de communication directe entre les personnalités alter.

    Les tests en laboratoire, y compris le dépistage de la consommation de drogues et le scanner cérébral, n'ont révélé aucune anomalie chez la personnalité hôte. La possibilité de troubles cognitifs et de simulations a été écartée, la patiente répondait aux critères de diagnostic du trouble panique avec agoraphobie. La patiente répondait aux critères diagnostiques du SCID-D : ses symptômes entraient dans la catégorie des maladies graves telles que l'amnésie, la dépersonnalisation, la déréalisation, la confusion identitaire et l'altération de l'identité, avec changement d'humeur et régression de l'âge. La patiente répondait aux critères diagnostiques du TDI (trouble dissociatif de l'identité) du DSM-IV. Elle avait des personnalités alternatives distinctes, chacune prenant totalement le contrôle de son comportement, ainsi que des épisodes d'amnésie sévère pendant le contrôle d'un alter, et n'étant sous l'influence d'aucune substance ni condition médicale particulière.

    La patiente était une survivante de violence psychologique subi durant son enfance, et de négligence de la part de ses deux parents. Elle se souvenait par exemple d'une époque où elle était restée seule à la maison sans nourriture pendant plusieurs jours. Son traitement était axé sur la stabilisation par l'utilisation des techniques de gestion des effets, ainsi que l'ego state therapy. La fréquence des changements de personnalités alter a progressivement diminué, de même que les sentiments d'impuissance. La patiente a été libérée après que l'alter irritable soit resté absent pendant deux semaines consécutives.

    CONCLUSION

    Les deux patients diagnostiqués ont été confirmés par un entretien structuré (SCD-D), ces deux patients ont montré des transitions vers d'autres personnalités durant un mois d'hospitalisation. Des évaluations psychologiques complètes, des études d'imagerie cérébrale ainsi que des tests de laboratoire ont permis d'écarter toute influence d'ordre médicale, de substances ou d'autres troubles psychiatriques. (...)

    Sans surprise, ces deux patients ont été victimes de violences physiques et de négligences répétées durant leur enfance. Leurs personnalités alter violentes ne sont apparues que lorsque des événements traumatisants de leur enfance étaient remémorés, ou que des déclencheurs émotionnels se produisaient, suggérant que ces alter étaient créés afin de faire face aux expériences émotionnellement insurmontables (8).

    Au cours des 15 dernières années, aucun autre cas de TDI n'a été diagnostiqué dans notre unité psychiatrique. Auparavant, nous pensions que la fréquence plus faible de TDI en Asie était du à une prévalence du Trouble de la Possession, reflétant une forte influence culturelle du polythéisme et du chamanisme dans la région (1). Il est également probable qu'en Corée, les patients présentant un Trouble de la Possession soient plus fréquemment vus dans les milieux psychiatriques, et de ce fait les cliniciens moins familiers avec le TDI (9). (...)

    En résumé, la récente transition sociale des pays asiatiques passant du traditionalisme et du collectivisme à l'occidentalisation et à l'individualisme, la prise de conscience croissante des phénomènes dissociatifs en Corée, et éventuellement la reconnaissance croissante de la maltraitance et de la négligence envers les enfants (11) pourraient influencer le taux de TDI. Les professionnels de la santé mentale des régions asiatiques ayant rarement rencontré des patients atteints de TDI ont besoin d'une formation spécialisée pour reconnaître et gérer cette maladie chronique, souvent mal diagnostiquée et difficile à traiter.

     

    RÉFÉRENCES

    1. Varma VK, Bouri M, Wig NN. Multiple personality in India: comparison with hysterical possession state. Am J Psychother 1981;35:113-120.

    2. International Society for the Study of Trauma and Dissociation. Guidelines for treating dissociative identity disorder in adults, third revision. J Trauma Dissociation 2011;12:115-187.

    3. Ahsan MS, Mullick SI, Sobhan MA, Khanam M, Nahar JS, Salam MA, et al. Subtype of dissociative (conversion) disorder in two tertiary hospitals in Bangladesh. Mymensingh Med J 2010;19:66-71.

    4. ChaturvediSK,DesaiG,ShaligramD.Dissociativedisordersinapsy- chiatry institute in India-- a selected review and patterns over a decade. Int J Soc Psychiatry 2010;56:533-539.

    5. Xiao Z, Yan H, Wang Z, Zou Z, Xu Y, Chen J, et al. Trauma and dissociation in China. Am J Psychiatry 2006;163:1388-1391.

    6. Choe BM, Kim SH, Hahn HM, Yang CK, Eom YK. A case of dissociative identity disorder. J Korean Neuropsychiatr Assoc 1996;35:1487-1491.

    7. Lee JS, Nam JH. A case of multiple personality disorder. Ment Health Res 1995;14:163-171.

    8. van der Kolk BA, Fisler R. Dissociation and the fragmentary nature of traumatic memories: overview and exploratory study. J Trauma Stress 1995;8:505-525.

    9. Jung HJ. Clinical Characteristics of Inpatients Who Were Diagnosed as Possession Disorder [Dissertation]. Seoul: Hanyang University; 2013.

    10. Korea Family Association for Mental Health Corp. Mental Illness Recognition Improvement Program: Media Monitoring. Seoul: Korea Family Association for Mental Health Corp; 2009.

    11. Adityanjee, Raju GS, Khandelwal SK. Current status of multiple personality disorder in India. Am J Psychiatry 1989;146:1607-1610.

     

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