• ➤ Piqûre de RAPPEL : une trentaine de témoins ont été assassinés dans l'affaire DUTROUX

    ➤ RAPPEL : une trentaine de témoins ont été assassinés dans l'affaire DUTROUX ➤➤ http://mk-polis2.eklablog.com/search?q=Dutroux

    Venons-en maintenant à la question évidente : quelle est la mystérieuse organisation qui est responsable de ce génocide miniature ?
    La seule certitude que nous ayons, c'est que si elle existait vraiment, la justice ne s'en serait pas aperçue - en tout cas, pas à partir de ces trente témoins décédés. En 2001, le journaliste Piet Eekman, de la chaîne de télévision allemande ZDF, avait déjà posé tout haut quelques questions basées sur une quinzaine de cas. "Que voulez-vous, les gens meurent, c'est comme ça", avait réagi le ministère de la Justice. "Et dans ces milieux-là, il y a sans doute un peu plus de gens qui meurent." Sept meurtres, dix suicides, cinq accidents de la circulation, et huit cas de mort 'naturelle' - pas toujours si naturelle que ça, d'ailleurs. Il est vrai que la Belgique est connue comme un pays au réseau routier meurtrier, et qui se classe dans le peloton de tête mondial pour ce qui est de la consommation d'antidépresseurs. Un certain nombre de ces décès, et en particulier les suicides, ont des causes que l'on peut supposer distinctes de l'affaire Dutroux en elle-même. Mais il n'est pas toujours aussi évident de délimiter les choses de façon très nette.

    http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr/BOOK/de-coninck/30-temoins-morts,1519142.aspx#product-details-and-summary

    Autour de Marc Dutroux ça a été l'hécatombe. La chaîne de télévision allemande ZDF a présenté, le 30 janvier 2001, une liste bien macabre. Celle de douze témoins ou acteurs de l'affaire ayant trouvé une mort violente depuis l'arrestation de Marc Dutroux en août 1996.

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    -Anna Konjevoda, témoin détenant des informations sur certains complices de Dutroux. Repêchée dans la Meuse. Battue et étranglée avant d'être jetée à l'eau.

    -Michel Piro, proxénète propriétaire d'une boîte de nuit. Abattu sur un parking d'autoroute, deux jours avant de rencontrer des parents de petites victimes de Dutroux.

    -Brigitte Jenart, dentiste bruxellois, témoin important. Retrouvée morte chez elle. Suicidée.

    -Christian Coenraedts, détenu à Bruxelles. Devait être interrogé sur ses liens avec Dutroux et son complice Bernard Weinstein. Evadé la veille de son interrogatoire, pendant un transfert. Retrouvé assassiné un mois plus tard, dans la banlieue bruxelloise.

    -Bernard Weinstein, complice de Dutroux. Retrouvé près du corps de Julie et Melissa dans une propriété de Dutroux. Enterré vivant, après une absorption de Rohipnol, tranquillisant avec lequel Dutroux avait l'habitude de neutraliser ses victimes.

    -José Steppe, petit truand de Charleroi. Contacte un journaliste pour lui confier des informations sur Dutroux. Meurt chez lui, juste avant la rencontre. Victime d'une crise d'asthme. Dans son appareil respiratoire, on aurait retrouvé du benzodiazépine, le même principe actif contenu dans le Rohipnol.

    -Guy Geubels, gendarme. Suicidé avec son arme son service. Il ne cachait pas son désir d'élargir l'enquête sur la mort de Julie et Melissa. La mère de cette dernière, Carole Russo déplore : "à chaque fois que nous avons demandé des informations sur sa mort, la justice nous a donné des réponses différentes".

    -Brune Tagliaferro, ferrailleur connu de Dutroux. Empoisonné près de Charleroi. Sa compagne Fabienne Jaupart accuse : "Bruno m'a dit qu'il en savait trop et qu'il serait bientôt mort."

    -Fabienne Jaupart, amie du précédent. Retrouvée morte, à moitié carbonisée, dans son lit. Matelas imprégné de méthanol. On lui avait refusé la protection policière qu'elle avait réclamée, s'estimant menacée.

    -Gina Bernaer, assistante sociale, membre de l'association Morkhoven. Se sentait menacée. Accident de voiture.

    -Jean-Paul Taminiau, videur puis propriétaire d'un night-club-bordel. Détenteur de la clé d'un garage voisin d'un autre, appartenant à Dutroux. On a repêché son pied dans un canal. Le reste du corps n'a jamais été retrouvé. Sa mère est la seule à se battre pour connaître la vérité sur cette mort...

    -François Reyskens, vingt-huit ans, toxicomane. Ecrasé par un train à Seraing, juste avant d'être entendu par les gendarmes sur la disparition de Melissa.

    -Simon Poncelet, policier à Mons. Tué de quatre balles à bout touchant. Son père, avocat général de Tournai, déclare : "Il existe deux possibilités : un règlement de compte interne pour lequel je ne vois aucun mobile. Soit c'est lié au trafic international de voitures qui occupait toute l'énergie de mon fils".



    La plupart de ces témoins transmettait ses informations à la gendarmerie ou à la court de justice, avant de perdre la vie peu après. La façon volontairement déficiente des services juridiques de traiter ces disparitions, et le silence quasiment complet des médias sur ces témoins décédés, en dit beaucoup sur leur complicité.
    Pendant son apparition au procès-Dutroux, un Jean-Marc Connerotte brisé résumait correctement que ‘jamais auparavant avait-on gaspillé tant d'énergie à l'enrayage d'une investigation’. La police l’alertait que des contrats était préparés pour 'terminer' les magistrats si nécessaire. Connerotte-même se faisait transporter dans une voiture pare-balles. Selon le juge, Nihoul profitait d'une certaine protection et était hors d'atteinte.
    Que la piste des réseaux pédophiles fut étouffée sera confirmé par le témoignage d'une victime connue de pédophilie. Durant l'arrestation de Dutroux, Régina Louf reconnaît Michel Nihoul à la télévision comme un de ses bourreaux. Selon elle, Nihoul jouait un rôle central dans l'organisation des Ballets Roses : des réunions aux années '80 où des filles mineures furent horriblement abusées par différents personnages. Elle témoigne que Michel Nihoul, ensemble avec Annie Bouty, avait tué une autre victime Christine Van Hees de façon rituelle. Elle décrit exactement tous les détails du meurtre comme les investigateurs les avaient découverts. Régina connaît aussi d'autres victimes du réseau comme Carine Dellaert, Catherine De Cuyper et plusieurs autres filles.
    Durant les sévices, Régina reconnaît des politiciens, elle nomme des juges haut placés, des officiers de police et des hommes d'affaires. Les interrogations de Régina font resurgir des noms comme Paul Van den Boeynants, Maurice Lippens, Melchior Wathelet, Wilfried Martens, des membres de la famille royale et différents autres. Les interrogations originelles (choquantes) de Régina comme témoin X1, (pp. 8 à 1083), ainsi que celle de X2 (pp.1083 à1100) et X3 (pp.1100 à1105), y inclus les noms et perversions des participants, ont transpiré sur l'internet. En effet, durant l'investigation, Michel Nihoul avait à quelques reprises nommé Paul Van den Boeynants comme participant aux partouzes. Nihoul réglait les fonds des campagnes électorales de l’ancien premier ministre.
    Que des notables cités par leur nom étaient présents au partouzes ne signifie pas que tous ces hommes sont des pédophiles cruels. Certains étaient leurrés par Nihoul afin de les enregistrer en compagnie de mineurs. Les tactiques de chantage par Nihoul étaient inhérentes à son organisation et étaient très lucratives. Pour prouver qu'il ne bluffait pas, Nihoul avait essayé plusieurs fois de régler une vente de telles photos avec des agences de presses étrangères comme Der Spiegel ou Canal+. Si Nihoul était vraiment en possession de tels matériels sensibles, on peut comprendre pourquoi la piste de réseaux autour de sa personne fut étouffée. On a commis l’erreur de jouer à son jeu de chantage.
    Ce qui n'est point excusable : la disparition à Liège de deux nouvelles filles indique que les réseaux pédophiles continuent leur travail invariablement. Il est recommandable que les personnes qui se font plaisir avec de telles perversions se regardent dans le miroir, et se réalisent qu'ils ont tort.

    Marc Dutroux faisait dans le trafic de voitures. Mais cette partie de l'affaire est détachée du dossier des abus sexuels d'enfants. Les deux activités criminelles de Marc Dutroux semblent inséparables, mais elles sont traitées par deux parquets différents : Nivelle et Neufchâteau. Le père du policier assassiné, l'avocat général Guy Poncelet avoue : "Je ne comprends pas ce saucissonnage." Et il ajoute : "Je ne peux que constater qu'il y'a certains décès opportuns, opportun du point de vue du moment, et je me pose des questions.".
Ce que la thèse officielle du prédateur pervers et solitaire n'arrive pas à expliquer, c'est la source des revenus de Marc Dutroux. Certes il bénéficiait d'aides sociales, faute de revenus déclarés. Mais comment pouvait-il être propriétaire de cinq maisons, de portefeuilles d'actions et de plusieurs comptes en banque ? Kidnapper et violer des enfants (sans jamais demandé de rançon) ne rapporte rien. D'où venait l'argent de Dutroux ?

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    Note de lecture par Anne-Marie Roviello:

    "Des morts opportunes." (Guy Poncelet, Procureur du roi honoraire de Tournai)

    "Les témoins, une espèce en voie de disparition." (Douglas De Coninck)

    "Il y a deux espèces de témoins : ceux qui meurent d’une manière ou d’une autre, et ceux qui sont déclarés fous." (Regina Louf)

    Ce qui suit est tiré de l’ouvrage de Douglas De Coninck, "Trente témoins morts... Ils ne parleront pas au procès Dutroux" (Rosières, Mols, 2004).  [1]

    Le scenario est presque toujours le même : un individu déclare qu’il a des révélations importantes, voire explosives, à faire dans le cadre de l’affaire « Dutroux et consorts », et le jour même où il s’apprête à témoigner, ou la veille, il a un accident mortel, ou il se suicide dans des circonstances énigmatiques. « Aucun de ces décès n’a semblé intéresser le juge Langlois en quoi que ce soit, en dépit des incessantes tentatives du procureur Michel Bourlet d’attirer son attention sur ces affaires ». (p.265)

    Nous avons sélectionné, ci-dessous, quelques-uns de ces cas de morts dans d’étranges circonstances.

    François Reyskens. Mort le 26 juillet 1995.

    Début juillet 1995, les parents de Julie Lejeune et Mélissa Russo, disparues depuis deux semaines, recoivent un appel téléphonique d’un courtier en assurances , sorte de père adoptif d’un jeune cocaïnomane répondant au nom de François Reyskens. Ce jeune homme, explique le courtier, déclare avoir rencontré les petites Julie et Mélissa. Aussitôt, Carine Russo alerte la gendarmerie de Seraing et rendez-vous est pris avec le jeune François Reyskens pour le 26 juillet. François Reyskens meurt, écrasé par un train, 2 heures avant ce rendez-vous. L’enquête conclut au suicide.

    Son père Jean Reyskens : « C’est plutôt étrange que juste à ce moment-là il finisse sous un train. Est-ce vraiment une coïncidence ? »

    Guy Geubels.

    Le 25 août 1995, Guy Geubels, adjudant à la brigade de gendarmerie de Grâce-Hollogne, va rencontrer la presse. Il a obtenu l’autorisation de ses supérieurs d’être interviewé par une équipe de la RTBF. Il faut dire qu’il est l’un des premiers gendarmes à avoir été en contact avec les familles des petites Julie et Mélissa. Il est aussi, selon le témoignage des familles Lejeune et Russo, l’un des seuls à ne pas parler de pistes mafieuses mais bien de pédophilie. L’interview n’aura pas lieu... Guy Geubels est retrouvé mort le 25 août 1995. Une balle dans la tête. Son arme dans une main, le cornet du téléphone dans l’autre. Coïncidence : le 25 août 1995 est le jour où débute officiellement l’Opération Othello, cette opération funeste de « surveillance » de Dutroux, durant une période où celui-ci détenait, en principe, Julie et Mélissa, dans sa cache An et Eefje dans la même maison, où il a pu encore commettre plusieurs actions délictueuses sans que les « surveillants » ne s’aperçoivent de rien. Il est vrai que pour réussir leur coup d’éclat, les gendarmes n’ont rien trouvé de mieux que de mettre à la tête de l’opération Othello René Michaux "un peu le Gaston Lagaffe de son service. Il avait des problèmes familiaux et professionnels, et ses supérieurs ne l’appréciaient pas en raison de ses bourdes répétées" (p.58).

    Bruno Tagliaferro. Mort le 5 novembre 1995.

    Ferrailleur, sans doute magouilleur, Bruno Tagliaferro et son épouse Fabienne Jaupart paraissent heureux en ménage. Parmi les relations de Bruno Tagliaferro, on retrouve Marc Dutroux, Bernard Weinstein, Michaël Diakostavrianos... Dans le dossier, on pourra encore lire le nom de Thierry De Haan, de Michel Lelièvre... Fabienne Jaupart déclare que son mari possède des armes, pour les défendre, elle et les enfants. Elle pense que Bruno est détenteur d’un secret qui met leur vie en péril. Fabienne Jaupart croit que son époux s’est rendu compte qu’il avait, à son insu, été chargé, du démontage et de la revente des pièces de la Citroën AX qui aurait servi à l’enlèvement de Julie et Mélissa. Bruno Tagliaferro meurt la veille du jour, le 4 novembre 1995, où Dutroux et Weinstein séquestraient trois personnes : Rochow, Divers et Jadot pour une histoire de camion volé. L’un des premiers hommes de la Police Judiciaire sur les lieux du décès est l’inspecteur Georges Zicot. Le légiste conclut à un arrêt cardiaque. Un laboratoire du FBI (consulté par le juge Connerotte) conclut à un empoisonnement mais un expert liégeois (désigné ultérieurement par le juge Langlois) estimera que la production de cyanure par un cadavre en décomposition peut être un phénomène naturel. Malgré les taux de cyanure retrouvés dans le corps de Tagliaferro (au-delà des doses pouvant être "auto-produites"), le juge Langlois privilégiera la "mort naturelle" comme explication du décès du ferrailleur de Keumiée.

    Fabienne Jaupart. Décédée le 18 décembre 1998.

    Le juge Connerotte semble ajouter foi aux déclarations de Fabienne Jaupart lorsqu’elle proclame que son mari a été assassiné, il semble aussi prêter attention aux déclarations de Claude Thirault [2]. Claude Thirault qui affirme que Marc Dutroux parlait, fin 1995, d’un certain Tagliaferro à liquider contre un paiement de 50.000 francs. « Lui et sa femme » disait Claude Thirault. Le juge Connerotte considère qu’il a suffisamment d’informations pour accorder une protection policière à la veuve de Bruno Tagliaferro. Après la nomination du juge Langlois, la protection policière fut levée. Le 18 décembre 1998, Fabienne Jaupart est retrouvée morte, l’enquête conclut au suicide. Fabienne Jaupart se serait aspergée de méthanol, aurait remis la bouteille sur le meuble à côté de son lit et se serait ensuite immolée, non sans avoir pris soin de mattre les pommes de terre à cuire sur le réchaud et de faire tourner le lave-vaisselle...

    Michel Piro. Mort le 5 décembre 1996.

    Novembre 1996. Michel Piro, exploitant de bars-restaurants dans la clientèle desquels on retrouve Marc Dutroux, Bernard Weinstein, Michel Lelièvre, Michel Nihoul, Michel Diakostavrianos... (il est, aux dires de certains un véritable « guide Michelin » des quartiers chauds de Charleroi) contacte, à trois reprises, la famille de Jean-Denis Lejeune et lui demande une entrevue à laquelle il souhaite que soit convié le procureur Michel Bourlet. Son intention est, également, d’organiser un souper avec les parents de Julie et de Mélissa, repas au cours duquel il s’apprête à faire des révélations sur le sort des deux petites liégeoises. Plusieurs témoins le diront ; parmi ceux-ci, un indicateur de la BSR de Charleroi affirme que « Piro aurait dit quelques jours avant son décès qu’il allait « balancer » tout ce qu’il savait sur le dossier Julie et Mélissa lors du repas qu’il organisait » (p.103). Selon son fils, il aurait dit que « des têtes allaient sauter ». On ne saura jamais quelles étaient ces révélations : le 5 décembre 1996, il est exécuté, à bout portant, sur un parking d’autoroute, tandis que son épouse est sortie pendant quelques instants du véhicule pour se rendre aux toilettes. Il en savait long sur le milieu de la prostitution enfantine de la région de Charleroi. Quand on feuillette le dossier Dutroux, on a parfois le sentiment qu’il n’y a que deux policiers à Charleroi, Mrs Zicot et Laitem. C’est à ce dernier que l’enquête sur l’assassinat de Michel Piro est confiée et elle conclut au meurtre passionnel. Sa femme, Véronique Laurent, sera condamnée à 15 années de réclusion en tant que commanditaire du meurtre alors que les deux exécutants seront blanchis par un tribunal français qui considèrera que ce dossier n’a aucune consistance. La rumeur dira que Michel Piro voulait révéler que Julie et Mélissa avaient été « prêtées » à un bar fin 1995. Une de ces pistes sérieuses que le juge Langlois écartera, non sans avoir veillé auparavant à la baptiser « piste périphérique ». Pendant quatre ans, le dossier Piro fait l’objet à Neufchâteau d’une correspondance envenimée entre le procureur Bourlet qui demande que soit poursuivie l’enquête sur l’entourage de M. Piro, et le juge d’instruction Langlois qui refuse d’enquêter.

    Jean-Marc Houdmont. Décédé le 25 février 1997.

    25 février 1997. L’inspecteur Tinant décroche le téléphone dans une annexe du Palais de Justice de Namur. L’homme est chargé du dossier de la disparition d’Elizabeth Brichet, le 20 décembre 1989, à Saint-Servais. Depuis l’éclatement de l’affaire Dutroux, il s’est, avec ses collègues, remis au travail sur ce dossier. A l’autre bout du fil, Jean-Marc Houdmont, qui vivait, en 1989, à quelques centaines de mètres de la maison d’Elizabeth. « J’ai fait une bêtise » déclare Jean-Marc Houdmont, « je veux faire une déclaration ». Ils conviennent d’un rendez-vous, le jour même, à 11 heures 30, juste le temps pour Jean-Marc Houdmont de faire, en voiture, le chemin qui le sépare des bureaux de la cellule Brichet. Une heure plus tard, la Toyota Starlet de Jean-Marc Houdmont s’encastre dans une façade sur le bord de la Nationale 76. L’enquête conclut au suicide puisqu’on n’a relevé aucune trace de freinage. Mais, ici encore, les mêmes noms sont retrouvés : Michel Lelièvre a fréquenté une école de Saint-Servais. Le beau-père de Jean-Marc Houdmont à vécu au Congo, dans le même village et à la même époque que Victor Dutroux, le père de Marc. Marc Dutroux qui vivait de l’assurance-maladie et était inscrit à la mutuelle au bureau de Saint-Servais. Dans une escroquerie à l’assurance, Dutroux et Weinstein provoquent, entre eux, un accident, et c’est un parent de la femme de Jean-Marc Houdmont, qui, en tant qu’assureur, traite le dossier. D’autres noms de co-inculpés de Dutroux apparaissent dans le dossier Elizabeth Brichet, dont celui de Diakostavrianos et celui de Nihoul.

    Joseph Toussaint. Mort le 5 mars 1997.

    Huit jours exactement après la mort de Jean-Marc Houdmont, le père Joseph Toussaint décède à Marbay-la-Tour, petit village où se rendaient, régulièrement selon les uns, une ou deux fois disent les autres, Monique Cherton, compagne de Jean-Marc Houdmont, et Michelle Martin, épouse de Marc Dutroux. Le père Joseph Toussaint était leur confesseur. Il était aussi l’aumônier de la prison de Jamioulx, prison où fut incarcéré Marc Dutroux. Le directeur de la prison déclare que les relations entre le père Toussaint et Marc Dutroux auraient pu laisser penser que Dutroux était un fervent catholique. Le père Toussaint se prononcera en faveur de la libération conditionnelle de Dutroux. Parmi les photographies épinglées au mur de la cellule de Marc Dutroux, et publiées par la Libre-Match, on peut reconnaître une photo du père Joseph Toussaint, victime d’une crise cardiaque, le 5 mars 1997.

    José Steppe. Décédé le 25 avril 1997.

    Au début des années 80, José Steppe habite le quartier de Marc Dutroux à Goutroux. Ancien jeune communiste, Steppe vire à l’extrême-droite En avril 1997, José Steppe contacte un journaliste, il affirme détenir des informations sur l’affaire Dutroux et parle de remettre au journaliste des copies de cassettes vidéo sur lesquelles on peut voir Dutroux et d’autres en train de violer des enfants. « Il était inquiet », dit un témoin anonyme au journaliste français Eric Bellahouel ; « Un jour, tu me trouveras avec une balle dans la tête », lui aurait dit J. Steppe ; il lui aurait encore dit que ces cassettes vidéo c’était de la dynamite ; qu’on pouvait y reconnaître des notables de Charleroi, des politiciens connus. Steppe « ne voulait pas donner la cassette à la police. Parce qu’il y avait là, disait-il, trop de gens corrompus qui les feraient certainement disparaître ». José Steppe souffre d’asthme, et pour soulager les crises qui l’accablent, il se sert d’un respirateur. Le 25 avril 1997, quelques jours avant sa rencontre avec le journaliste avec qui il a pris contact, une femme d’ouvrage de l’hôtel dans lequel il réside découvre son corps dans un couloir, son masque à oxygène recouvre toujours son visage. Au fond de la bouteille de l’inhalateur, on découvre du Rohypnol ... trois jours après l’enterrement.

    Gina Pardaens-Bernaer. Décédée le 15 novembre 1998.

    Voici sans doute une femme qui n’a pas froid aux yeux ! Elle collabore avec le Morkhoven Groep, une association qui pourchasse les pédophiles sur Internet et dans le « monde réel ». Elle a affirmé à plusieurs personnes qu’elle détenait, entre autres choses, un « snuff movie » [3] tourné en Belgique. Dans ce film, on pouvait reconnaître un ancien associé de Michel Nihoul. Gina Pardaens se sait menacée, elle surveille ses arrières, fait des portraits-robots des personnes qui semblent traîner trop souvent autour d’elle, note les plaques minéralogiques des véhicules qui paraissent la prendre en filature. Parmi ceux-ci, l’immatriculation d’une Mercédès grise qui, plus tard, s’avérera être celle de l’ancien chauffeur du Dolo, le bar à filles favori de Michel Nihoul. Gina Pardaens devait faire une déposition le 16 novembre 1998... Le 15 novembre, sa voiture s’écrase contre le pilier d’un pont, pas de trace de freinage, pas d’autopsie.

    Hubert Massa. Mort le 13 juillet 1999.

    Ce chapitre sur le suicide de Massa mérite une attention toute particulière, car il fait apparaître de la manière la plus éclairante des liens multiples entre différents aspects et personnages des dossiers « Cools » et « Dutroux et consorts ».

    Selon les magistrats du Parquet de Liège, « rien n’est plus pareil depuis la nomination d’Anne Thily ». « Elle n’incarne que l’autorité » entend-on dans les couloirs du palais. Anne Thily semble ne pas apprécier Hubert Massa. L’épouse de celui-ci déclare : « Il était sur les affaires Cools et Dutroux, tout le monde le savait. Je voyais bien que quelque chose n’allait pas, mais il ne se plaignait jamais ». Hubert Massa participe à une réunion avec quatre procureurs généraux et le tout nouveau ministre de la justice, Marc Verwilghen. Réunion au cours de laquelle l’ancien président de la Commission parlementaire annonce qu’il fera en sorte que toute la lumière soit faite. Au lendemain de cette réunion, le 13 juillet 1999, après le repas, pris en compagnie de sa femme et de ses enfants, Hubert Massa s’isole dans son bureau. Sa femme entend un coup de feu. Hubert Massa s’est tiré une balle dans la bouche. « Généralement, lorsqu’on obtient un poste au parquet général, on est indéboulonnable et on reste à cet échelon supérieur jusqu’à la retraite. Mais pas à Liège, où les avocats généraux J.-Ph. De la Croix et A. Zaplicki se font dégrader à leur propre demande début 1999 : l’un devient juge de la jeunesse et l’autre passe juge de paix. Hubert Massa (...) avait également des projets en ce sens » (p.184) [4]. Massa aurait dit à un ancien collègue et ami qu’il se sentait coincé. « Après sa mort, des rumeurs circulent parmi les avocats de Liège, selon lesquelles Thily lui aurait déclaré quelque chose dans ce sens quelques heures avant sa mort. Il aurait été question d’un "petit dossier", et du fait « qu’il lui arriverait quelque chose comme à Marc de la Brassine ». (p.185) « Anne Thily est considérée comme intouchable. Sa candidature au poste de procureure générale a été appuyée très fermement par José Happart ; celui-ci faisait partie du clan radical de Jean-Maurice Dehousse qui devait également accueillir plus tard le ministre Alain Van der Biest et Guy Mathot, qualifié un jour de « mafieux » par quelqu’un de son propre parti (...) Au sein du P.S., Cools passait pour le grand adversaire de Dehousse, Mathot, Happart et consorts. Le dossier pénal contenait d’ailleurs des indices qui tendent à faire croire à leur implication dans l’organisation de cet assassinat » (pp.186-87). « Van der Biest devait comparaître devant les assises avec ses amis mafieux. Thily n’était pas de cet avis, et elle mettait ses collaborateurs sous pression pour faire rayer son nom de la liste des accusés. Une fois de plus, l’ambiance était aux menaces et aux « petits dossiers ». Thily avait des dossiers sur tout le monde, y compris sur Julien Pierre. La sœur de ce dernier avait déclaré que l’avocat avait hébergé par le passé Patrick Haemers. (...) Tant dans l’affaire Cools que dans l’affaire Dutroux, Pierre a joué avec brio le rôle de l’allié objectif de Thily : notamment en précipitant la chute de ce juge d’instruction indépendant et donc tellement encombrant (pp.188-89). »

    Jean-Jacques Feront. Mort le 1er mars 2001.

    « On ne veut pas aller jusqu’au bout dans cette enquête » (l’inspecteur de la P.J. Ronald Speltens)

    Le 4 mai 1995, la section Jeunesse de la PJ de Bruxelles reçoit une lettre anonyme proposant des infos sur un pédophile qui vend des photos et des vidéos à caractère sexuel de sa fille de 10 ans. Ces informations s’avèreront fondées. Le 11 juillet de la même année, le même informateur déclare avoir vu des photos de Mélissa Russo, proposée avec d’autres enfants à la vente ou à la location par un germanophone dont les initiales figurent sur une chevalière qu’il porte : K.B. Les inspecteurs Speltens et Colson déclarent que cet informateur est fiable, il a déjà fait ses preuves. Ils réquisitionnent des spécialistes de la filature, envoient une note au commissariat général dans laquelle ils exposent leur projet, ils demandent, pour le 23 septembre 1995, deux sémaphones et deux voitures de service... Et le temps passe... Les parquets de Louvain et de Liège se renvoient la responsabilité dans ce dossier comme une patate chaude. Le commissaire Lamoque dit aux parents de Julie et de Mélissa qu’il n’a jamais compris pourquoi on avait décidé en haut lieu que cela ne pouvait se faire. On retrouve dans ce volet de l’affaire la substitute Somers, une intervention, ici comme dans le volet sur les témoins X, pour ne pas dire la vérité. Pour les enquêteurs, K.B. évoque tout de suite Klaus Bahr, qui contrôle une grande partie du marché belge du porno dans les années quatre-vingt-dix. Klaus Bahr est également décédé depuis lors. Quand Marc Dutroux est arrêté, onze mois plus tard, et que deux enfants sont libérées de sa cave à Marcinelle (localité que Jean-Jacques Feront avait désignée), les enquêteurs s’arrachent les cheveux, ils expriment leur incompréhension à leur supérieur. Le 1er mars 2001, Jean-Jacques Feront décède à la suite de deux crises cardiaques consécutives. Le commissaire Speltens dira devant la Commission parlementaire d’enquête : « si la magistrature (...) avait laissé la PJ monter un guet-apens autour de Feront, les gamines auraient peut-être été retrouvées. On ne veut pas aller jusqu’au bout dans cette enquête ».

    Brigitte Jenart. Décédée le 5 avril 1998.

    Ce chapitre qui se trouve dans la version néerlandaise de l’ouvrage de D.De Coninck, a disparu, à la suite de défaillances techniques, de la traduction française. Nous l’ajoutons donc, car il nous paraît important.

    Cette dentiste de Nihoul a son cabinet au 35 rue du Conseil à Ixelles, là même où habite Roland Corvillain, un pédophile notoire, qui recevait régulièrement la visite d’Achille Haemers, le père de Patrick, et qui a été suspecté dans le cadre de la disparition de la petite Loubna. L’ex-épouse de Corvillain, qui est convaincue que Dutroux est aussi passé par là, déclare que son mari, Nihoul et les autres "utilisaient un langage codé, (...) parlaient de « chevaux blancs, bruns, jeunes, chers mais bons et jeunes ». Comme ces chevaux étaient censés arriver par avion de ligne en provenance de pays d’Europe de l’est et que les hommes semblaient craindre les douanes, elle pouvait logiquement supposer qu’ils ne parlaient pas de quadrupèdes". « Il est clair pour moi qu’ils ne parlaient pas de chevaux, mais de jeunes enfants. » [5]. Brigitte Jenart a été la maîtresse du truand Juan Borges, qui a également eu une liaison avec Annie Bouty. C’est B. Jenart qui informe la commission parlementaire d’enquête que Borges a échappé à la justice belge grâce à Nihoul. Ce dernier aurait convaincu le commandant Guido Torrez de bloquer l’action policière visant à arrêter le truand. Au milieu des années 80, Torrez travaille avec un parrain mafieux italien. Dans une lettre manuscrite datant du 7 mai 1997, Jenart fait état de la naissance d’un bébé guinéen de l’adoption duquel Bouty se serait occupée. Elle déclare que Bouty lui avait fait signer un jour quarante attestations qui lui conféraient la garde de quarante Zaïrois et Nigérians en séjour illégal en Belgique. Dans les gribouillis de sa petite lettre d’adieu, on peut reconnaître le mot « pédophile ». « Un trafic de nouveaux-nés ? Il semblerait bien que oui » ; « sur la base des maigres pièces du dossier qui ressurgissent dix ans après les faits, on a l’impression que Bouty et Nihoul s’occupaient de trafic d’êtres humains - des adultes aux tout-petits ». Le parquet de Bruxelles n’a pas fait pratiquer d’autopsie sur le corps de Brigitte Jenart.

    Anne-Marie ROVIELLO

    Toutes ces morts ne sont peut-être pas directement liées à l’affaire jugée à Arlon depuis le 1er mars ; certains disparus étaient des individus aux comportements et aux jugements très problématiques. C’est, en particulier, le cas de José Steppe, fasciste notoire ; de même on peut s’interroger, comme certains l’ont fait, sur la fiabilité du témoignage de Rita Verstuypen, qui avait tout avantage à "collaborer" avec la justice, étant elle-même suspecte dans l’affaire de son mari. Mais certaines coïncidences restent fort troublantes, certaines familles, certains proches de victimes restent sceptiques quant aux versions officielles qui ont été retenues, des versions souvent confuses et contradictoires. Pour les autres témoins qui ne seront jamais entendus à Arlon, et pour plus d’informations sur les accidents et suicides relatés ci-dessus, nous vous recommandons fortement la lecture de l’ ouvrage de Douglas De Coninck.

    [1] La 3e chaîne allemande, la ZDF, a également consacré une très bonne émission à cette question : Piet Eeckman, La mort subite de l’affaire Dutroux, 30/01/2001).

    [2] Thirault est l’informateur qui, dès 93, alertait la gendarmerie du projet de Marc Dutroux de faire des caches dans ses caves, en aménageant des citernes que la gendarmeire avait déjà perquisitionnées pour des vols, la même année ; la gendarmerie connaissait donc l’existnece de ces citernes en 1995, ainsi que l’endroit de la cave où l’une d’elle aboutissait.

    [3] Snuff-movie : film ou vidéo où l’on assiste à des viols et tortures suivis de la mise à mort des victimes.

    [4] Cet étrange phénomène des candidatures à des « promotions négatives » semble s’être propagé jusqu’au parquet de Charleroi, où le Procureur du Roi Thierry Marchandise a également demandé, tout récemment, à être nommé à une fonction de juge de paix dans la région carolorégienne (tout comme son prédécesseur, le Procureur du Roi Defourny, l’avait fait avant lui).

    [5] Audition de Rita Verstuypen, police d’Ixelles, le 28 aoùt 1996, pv 1639/BJ/96.

    ________________________

    Brigitte Jenart: Un curieux suicide

    (chapitre manquant au livre "30 témoins morts")

    "A cause d’un problème technique, la publication de la version française du livre "Dode Getuigen" a été amputée d’un chapitre. Le livre s’appelle "30 témoins morts" et compte 29 chapitres. Je vous le concède : beaucoup plus ridicule que cela, ce n’est pas possible. Le chapitre manquant traite du suicide de Brigitte Jenart, un témoin vraiment très important des faits et gestes de Michel Nihoul dans les années ’80."

     

    Née à Elisabethville (Congo belge), le 9 août 1954

    Décédée à Ixelles, le 5 avril 1998

    Rôle : témoin important de la commission Verwilghen

    Cause du décès : suicide

    Dans la soirée du 6 octobre 1986, le téléphone sonne à la gendarmerie de Schaerbeek. C’est le commandant Guido Torrez au bout du fil. Au sein de la gendarmerie de l’époque, qui fonctionne encore selon une logique strictement militaire, c’est un événement qui n’arrive pas tous les jours pour un simple gendarme d’une petite brigade de la capitale. « Oui, commandant », répond-il à la demande, elle aussi peu habituelle, du plus haut gradé du district de Bruxelles. Ce dernier demande gentiment mais fermement au gendarme en question, qui était sur le point d’arrêter le Portugais Juan Borgès, de renoncer à son projet. Deux jours plus tard, le commandant Torrez se donne la peine de venir s’expliquer à la gendarmerie de Schaerbeek. Il raconte qu’il a été appelé par un membre du cabinet de François-Xavier de Donnéa, le ministre de la Défense, qui est encore à l’époque le ministre de tutelle de la gendarmerie. On lui a - gentiment - demandé de laisser Borgès tranquille.

    Il faut dire que pour la gendarmerie de Schaerbeek, Borgès n’était pas une priorité absolue. Il avait signé un chèque sans provision de 1,2 million de francs, c’est tout. Le gendarme qui s’occupait de l’affaire s’était pourtant donné à fond, et il avait intuitivement eu le sentiment d’être tombé sur quelque chose de ‘gros’. Mais tant pis. Les ordres sont les ordres.

    Il n’est pas certain qu’il y ait effectivement eu un coup de fil en provenance du cabinet de Donnéa. On sait que l’homme qui a appelé le commandant était Michel Nihoul. Si on sait cela, c’est grâce à Brigitte Jenart, une dentiste qui avait un petit cabinet au 35 rue du Conseil, à Ixelles, qui marchait bien jusque fin 1996. Elle soignait les dents de Nihoul et de son ex-épouse Annie Bouty, ainsi que celles de quelques personnes qui rendaient visite au locataire de l’appartement au-dessus du cabinet, Roland Corvillain. Elle n’a appris que plus tard que c’était un pédophile notoire. Elle a su plus tard aussi qu’il recevait régulièrement la visite de personnages comme Achille Haemers, le père de feu l’ennemi public numéro 1 Patrick Haemers, et Robert Darville, un caïd de la bande Haemers. Brigitte Jenart avait l’impression de s’encanailler, avec toute cette brochette de bandits. L’un d’eux était Juan Borgès, qu’elle avait connu en 1983 par le biais de Bouty. Elle était tombée amoureuse de lui ; Bouty aussi, d’ailleurs. Brigitte Jenart avait eu une liaison fugace avec le Portugais, qui passait allègrement d’un lit à l’autre. Il lui expliquait qu’il avait du mal à rompre avec Bouty, parce qu’elle constituait son assurance-vie en Belgique. « Borgès se renseignait auprès de Bouty pour savoir s’il était signalé (dans le Bulletin central des Signalements de la police, ndla) », dit Jenart début 1997. « Pour ce faire, il lui téléphonait, et par un contact dont j’ignore tout, elle lui donnait le feu vert pour ses déplacements à l’étranger. » [1]

    Marc Verwilghen et sa commission ont beaucoup fait sourire, en 1997, lorsqu’ils se sont mis à rechercher les ‘protections’ dont auraient bénéficié les protagonistes de l’affaire Dutroux. Aux yeux des médias, la commission n’a presque rien trouvé ; pourtant, dans le second rapport final, il y a un chapitre en béton : l’affaire du coup de fil ‘ministériel’. Le récit des faits repose presque entièrement sur le témoignage de Brigitte Jenart, et il a été confirmé sur toute la ligne. Cependant, la dentiste ne savait pas exactement comment les choses s’étaient déroulées. En gros, Nihoul affirmait pouvoir arranger ce qu’il voulait, partout où il le voulait. Pour Jenart, l’incident avec Borgès n’était qu’un énième indice qu’il ne bluffait pas. On n’a jamais su avec précision qui avait eu qui au téléphone. Devant la commission, Torrez maintient qu’il s’est fait rouler par Nihoul. Jenart, pour sa part, affirme que Nihoul avait bel et bien mis le cabinet de Donnéa sur l’affaire. Dans son second rapport final, la commission a fait preuve de clémence envers Torrez : « L’officier de gendarmerie estime qu’il s’est montré naïf et attribue cette naïveté au fait qu’il venait d’être nommé commandant de district. » [2]

    Pourtant, le fait qu’on ait laissé Borgès tranquille a eu des conséquences néfastes. Le 12 octobre 1986, six jours après le fameux coup de fil, le Portrait d’une femme, une toile d’Amedeo Modigliani, est dérobé dans l’appartement d’une riche veuve bruxelloise. On apprendra plus tard que ce vol a été commis par la crème de la crème des criminels bruxellois de l’époque. Il s’agit de personnages comme Jacques Herygers et Georges Cliquet, qui se retrouveront en bonne place sur la liste de personnes à interroger établie par le juge italien anti-mafia Paolo Fortuna, dans le cadre de l’opération Mains Propres. [3] Leur bande, dont fait également partie Borgès, échange de par le monde de l’argent noir, des armes, de l’or volé, des diamants, et parfois aussi des œuvres d’art. Pour le vol du Modigliani, qui fait beaucoup de bruit, la bande a fait appel au jeune artiste bruxellois Stéphane Mandelbaum, qui a réalisé une copie du célèbre tableau pour la laisser à la place de l’original. Mais les gangsters n’aiment pas trop les témoins gênants. Le 3 janvier 1987, on retrouve le cadavre de Mandelbaum dans une grotte à Beez, près de Namur. Il a une balle dans la tête, et son corps a été mutilé à l’acide, dans le plus pur style mafieux. En 1992, Juan Borgès est condamné par contumace, en même temps que quelques autres membres de la bande, pour le vol du Modigliani, mais pas pour le meurtre. Personne ne sera d’ailleurs condamné pour ce crime. Le parquet de Namur bâcle l’enquête et classe le dossier sans suite dès 1990. De toute façon, à ce moment-là, Borgès est déjà hors de portée. « Juste avant d’être condamné dans l’affaire Mandelbaum, Borgès est parti vivre au Canada, à Montréal », dit Jenart. [4]

    A posteriori, on peut sans doute affirmer que l’intervention de Nihoul a rendu possible un spectaculaire vol de tableau et un meurtre mafieux, et peut-être plus encore. Au milieu des années quatre-vingts, Borgès travaille avec un parrain mafieux italien et il trimbale des mallettes pleines de dollars noirs. En tant qu’agent du Mossad, les services secrets israéliens, il est impliqué dans la mise sur pied d’un contrat pour la livraison de six mille missiles TOW au régime des ayatollahs en Iran, pour une valeur de 83 millions de dollars. Les conseils juridiques sont assurés par la société Cadreco, créée par Annie Bouty et Juan Borgès. A cette époque, Bruxelles était une plaque tournante du trafic d’armes à destination de l’Iran, grâce auquel les Américains et les Israéliens espéraient affaiblir la position de Saddam Hussein. Tout cela n’apparaît au grand jour que fin 2002, après l’extradition vers la Belgique du trafiquant d’armes belge Jacques Monsieur, qui avait longtemps été détenu en Iran. [5]

    La romance avec Borgès n’a pas été très bénéfique à Brigitte Jenart. A cause d’une série de constructions financières pour lesquelles il avait emprunté sa signature, elle se retrouve avec 7 millions de francs de dettes sur le dos. Lorsqu’elle s’en rend compte, il a déjà quitté le pays. Suite à cela, fin 1994, Jenart est contrainte de vendre son cabinet à son assistante, et elle devient assistante dans son propre cabinet. Et la poisse ne s’arrête pas là. Brigitte Jenart avait une clientèle fidèle composée en grande partie d’enfants. Elle était une de ces rares dentistes chez qui les enfants restent sages pendant la redoutable visite. En septembre 1996, lorsque son voisin du dessus, Roland Corvillain, est désigné comme suspect principal de l’enlèvement de Loubna Benaïssa, la petite Marocaine, et que les pelleteuses de Connerotte se mettent au travail devant, dans et derrière sa maison, la réputation professionnelle de Jenart est fichue. Finalement, c’était une fausse piste, mais pendant les mois qui suivent, les ragots sur « la fameuse maison » iront encore bon train dans le quartier. Les enfants retourneraient bien volontiers chez la gentille dame, mais leurs parents préfèrent aller voir ailleurs.

    Malgré toutes les misères que lui amène l’affaire Dutroux, on ne peut pas reprocher à Brigitte Jenart un manque de collaboration avec la justice. Tous ses souvenirs, elle les consigne dans des lettres interminables adressées à la police judiciaire de Bruxelles et à Georges Frisque, le limier autoproclamé. En 1998, il a fait parvenir à la justice un petit dossier reprenant des renseignements sur ce que lui avait raconté Jenart. La première pièce de ce dossier était une petite lettre manuscrite, datée du 7 mai 1997, dans laquelle elle parlait d’une affaire bizarre sur laquelle Frisque et elle étaient tombés ensemble. Cela remontait au début de 1988. Il s’agissait d’Eliane Bangoura, la fille du ministre des Postes de Guinée-Conakry, en Afrique occidentale. Dans sa petite lettre, dans laquelle Jenart s’excuse envers Frisque d’un rendez-vous qu’elle va manquer, elle écrit : « Pour Eliane Bangoura : elle a accouché début août 1988 (le 4 ou le 5) à Saint-Pierre. Elle avait plus ou moins 26 ans. Je ne sais plus si c’était une fille ou un garçon mais je penche pour une fille (...). Cet enfant a directement été retiré de la vue de la mère, qui ne l’a donc jamais touché. Bouty s’est occupée de l’adoption. »

    Un trafic de nouveau-nés ? Il semblerait bien que oui. Frisque parvient à mettre la main sur une partie de la correspondance qu’entretenait Nihoul en 1988 avec Jean-Claude Godfroid, son interlocuteur favori au cabinet du ministre de la Justice de l’époque, le libéral Jean Gol. Dans une lettre datée du 1er février 1988, Nihoul sollicite une intervention ministérielle pour que le visa belge sur le passeport d’Eliane Bangoura puisse être prolongé de deux mois. Les 11 et 18 mai, Nihoul obtient déjà une réponse du chef de cabinet de Gol, qui lui fait savoir qu’il a fait régler cette affaire. L’histoire est absurde à plusieurs points de vue. Nihoul écrit au cabinet sur du papier à lettres à en-tête de « J.M. Nihoul & associés s.c.s, Cabinet pluridisciplinaire d’experts ». Il n’a aucun statut juridique ni raison sociale. Sa seule activité commerciale consiste à magouiller et faire l’entremetteur. Annie Bouty, elle, est bien avocate, mais elle ne dispose d’aucune qualification en matière d’adoptions. Sur la base des maigres pièces de dossier qui resurgissent dix ans après les faits, on a l’impression que Bouty et Nihoul s’occupaient de trafic d’êtres humains - des adultes aux tout-petits. C’est également l’impression de Brigitte Jenart, notamment parce que Bouty lui avait fait signer un jour quarante attestations qui lui conféraient la garde de quarante Zaïrois et Nigérians en séjour illégal en Belgique.

    Dans ses lettres et ses témoignages, Brigitte Jenart ne parle pas de la présence éventuelle de Marc Dutroux à l’étage au-dessus de son cabinet. Elle ne se souvient pas l’y avoir vu, mais il y avait d’autres locataires dans l’immeuble, comme Rita Vetstuypens, l’ex-épouse de Corvillain. Le 28 août 1996, peu après l’éclatement de l’affaire Dutroux, elle va trouver la police d’Ixelles pour dire ce qu’elle a à dire sur les visiteurs louches qui défilaient à la rue du Conseil. Son récit correspond dans les grandes lignes à celui de Jenart. Pourtant, il y a une grande différence. Vetstuypens est convaincue que Dutroux aussi était passé là « quatre ou cinq fois ». Lorsque son mari, Nihoul et les autres discutaient leurs affaires pas très nettes, elle entendait tout depuis sa salle de bains. D’après Vetstuypens, ils utilisaient un langage codé qui était néanmoins facile à déchiffrer à partir des photos de jeunes filles épinglées sur un tableau en liège, qu’elle avait vues dans le bureau de son mari. Nihoul, son mari et Haemers parlaient de chevaux, dit-elle : « Ils parlaient de chevaux blancs, bruns, jeunes, chers mais bons et jeunes. » Comme ces ‘chevaux’ étaient censés arriver par avion de ligne en provenance de pays d’Europe de l’Est et que les hommes semblaient craindre les douanes, elle pouvait logiquement supposer qu’ils ne parlaient pas de quadrupèdes. « Avec tous les événements qui passent à la télévision ces jours-ci », témoigne-t-elle fin août 1996, « il est clair pour moi qu’ils ne parlaient pas de chevaux, mais de jeunes enfants. » [6] Aux yeux de Vetstuypens, c’était Nihoul le chef de bande, et il se comportait clairement en tant que tel. Elle décrit Dutroux, qu’elle n’a vu que quelques fois, comme timide et apparemment peu important. Il suivait toujours Nihoul à la trace.

    Les avis des enquêteurs divergent sur la valeur du témoignage de Vetstuypens, qui confirme ses déclarations de façon circonstanciée devant une autre équipe d’enquêteurs. [7] L’ex de Corvillain était une des personnes qui se trouvaient à l’origine des fouilles de la rue du Conseil à Ixelles, qui se sont avérées inutiles. Elle n’a pas cité de dates pour les visites de Dutroux, mais elle semblait les situer au début des années quatre-vingts. A Neufchâteau, les enquêteurs partent cependant du principe que Dutroux et Nihoul ne se sont connus qu’en 1995, même s’il y a quelques autres témoins à part Vetstuypens qui pensent avoir aperçu les deux hommes ensemble dans les milieux noctambules de Bruxelles. Ce n’est qu’en 1998 que l’équipe d’enquête se concentre sur la question de savoir quand les deux personnages principaux se sont connus. Ce qui est certain, c’est qu’il ne se sont pas vus entre février 1986 et avril 1992. A cette époque, Dutroux était en prison. C’est la période avant celle-là qui intrigue de nombreux enquêteurs. Les témoignages, et il y en a quelques-uns, les ont amenés à envisager l’hypothèse que Dutroux aurait appris le ‘métier’ dans des partouzes à Bruxelles, qu’il aurait recommencé en 1995 comme ‘petit indépendant’, et qu’il aurait à nouveau rencontré Nihoul un peu plus tard. L’hypothèse est intéressante, mais à partir du 5 avril 1998, le plus précis des témoins à ce sujet ne pourra plus être interrogé.

    Dans l’après-midi du 5 avril 1998, la mère de Brigitte Jenart n’obtient pas de réponse lorsqu’elle sonne au rez-de-chaussée du 90, rue Augustin Delporte à Ixelles. Cependant, elle possède une clef de la maison, et elle trouve le corps sans vie de sa fille dans sa chambre à coucher, sur le lit. Quelques phrases de sa petite lettre d’adieu très confuse, adressée à sa mère, sont lisibles : « Je n’ai plus la force (...), je n’ai plus d’avenir, je n’ai plus le courage (...). Dieu n’existe pas. » Dans les gribouillis qui suivent, on peut reconnaître le mot « pédophile ». A côté du lit, les policiers trouvent une bouteille vide de raki turc et onze plaquettes vides de calmants. Brigitte Jenart connaissait les effets de cette combinaison mortelle. « Aucune trace de lutte n’est visible dans l’appartement et aucun objet suspect n’a été découvert », rapporte la police d’Ixelles. [8] Le dossier contient également une déclaration de la mère : « La dernière fois que je l’ai vue, c’était hier dans l’après-midi, et elle semblait normale. En fait, ma fille a commencé à avoir des problèmes il y a environ quatre ans, suite à une rupture d’avec un individu qui lui a escroqué tout son argent et qui ensuite est parti à l’étranger, la laissant pleine de dettes. »

    Le parquet de Bruxelles n’a pas fait pratiquer d’autopsie sur le corps de Brigitte Jenart.

     

    PS:

    Cher lecteur,

    A cause d’un problème technique, la publication de la version française du livre "Dode Getuigen" a été amputée d’un chapitre. Le livre s’appelle "30 témoins morts" et compte 29 chapitres. Je vous le concède : beaucoup plus ridicule que cela, ce n’est pas possible. Le chapitre manquant traite du suicide de Brigitte Jenart, un témoin vraiment très important des faits et gestes de Michel Nihoul dans les années ’80.

    A propos de l’absence de ce chapitre, j’ai reçu de l’éditeur Mols l’explication suivante : "Il s’agit d’un oubli non pas du traducteur mais du metteur en page qui a laissé de côté un chapitre et cela, sans explication précise. Nous ne nous en sommes pas rendu compte vu que les chapitres ne sont pas numérotés. Quand j’ai appris cela, je vous avoue que je suis tombé de ma chaise ou presque ..."

    Les Editions Mols ont pris un risque en publiant ce livre. Un travail journalistique qui n’adhère pas à la pensée unique de Marc Dutroux "prédateur isolé" ne peut de toute façon compter que sur un faible retentissement médiatique. Malgré le regrettable incident, je dois remercier l’éditeur pour son courage. Je vous demande de comprendre son point de vue : la mise à la poubelle de l’entièreté du tirage et une réimpression avec le chapitre "Jenart" risquait déjà d’être trop onéreuse. De plus, la traduction française a encouru du retard et ne fut prête qu’au moment où le procès Dutroux en était presque aux plaidoiries. Une réimpression n’était donc pas la solution.

    La version française est entourée d’une bande de papier rouge. Cela me semblait une bonne idée de remplacer les bandes existantes par de nouvelles sur lesquelles aurait figuré l’explication du problème technique. Par la même occasion, on aurait pu y communiquer une adresse web sur laquelle le lecteur intéressé aurait pu prendre connaissance du chapitre manquant. Mais l’éditeur nous fit savoir : "Quant au texte du chapitre manquant, je n’ai pas pour le moment de site sur lequel je puisse mettre le texte. Néanmoins, nous avons un site en construction et nous y donnerons accès dès que possible."

    Mon impression est que l’éditeur ne désire pas donner trop de publicité à la faute technique qu’il a commise. Du point de vue de l’éditeur, je peux le comprendre. Mais cela reste bien sûr une situation très embarrassante surtout pour le lecteur qui s’aperçoit vraiment qu’il n’y a que 29 chapitres au lieu des 30 annoncés.

    Je remercie de tout coeur les membres de l’Observatoire citoyen pour la publication sur leur site du chapitre manquant.

    Bonne lecture.

    Douglas De Coninck

     

    [1] Audition de Brigitte Jenart, brigade nationale de la PJ, le 27 janvier 1997, pv 10.050.

    [2] Second rapport de la commission Verwilghen, section 4, « Le réseau relationnel de M. Nihoul », 5.1.4.

    [3] De Morgen, le 23 octobre 1995.

    [4] Audition de Brigitte Jenart, brigade nationale de la PJ, le 27 janvier 1997, pv 10.050.

    [5] Walter De Bock dans De Morgen, le 14 octobre 2002.

    [6] Audition de Rita Vetstuypens, police d’Ixelles, le 28 août 1996, pv 1639/BJ/96.

    [7] Audition de Rita Vetstuypens, BSR de Bruxelles, le 28 octobre 1996, pv 116.393.

    [8] Constatations de la police d’Ixelles, le 5 avril 1998, pv 008613.

     ________________________

    Source : http://reopendutroux.blogs.fr aka coupable.fr

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  • Commentaires

    1
    DOMIDOMINO
    Dimanche 14 Avril 2019 à 13:07

    Qui donc a été protégé par tous ces " témoins suicidés, battus à mort, assassinés" ??????????????????????

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    2
    Orchidée
    Jeudi 12 Mars 2020 à 17:20
    José Stepp voulais parler et en a informé les journalistes. Bizarrement il aurait succombé à une crise d'asthme. Conditionnel très important. On peut légitimement penser que ces fouilles merdes de journalopes ont balancé José stepp aux "commanditaires de l'ombre". Ils ont dû leur dire que Stepp avait des informations. Même en ne sachant précisément de quoi il s'agissait comme infos, c'est largement suffisant pour liquider une personne qui veut parler. Et étrangement quand des témoins veulent parler au flics, ils sont retrouvés morts également.
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